Le bâton d'Absalon Partez à la découverte du patrimoine médiéval du Gers sur les pas d'Absalon le pèlerin.
Mallette pédagogique Découvrez dans cette mallette pédagogique (cycle 3) comment les eaux thermales, les pratiques de la montagne et leurs représentations ont façonné le territoire et les imaginaires pyrénéens des Hautes-Pyrénées.
Tautavel, un nouveau musée en projet Image Tautavel, un nouveau musée en projet Résumé Un nouveau musée Tautavel à la hauteur de son histoire et de ses collections.
Présentation du carnet de recherche Image Présentation du carnet de recherche Résumé Le « Carnet de recherche » vous propose de découvrir la recherche en train de se faire !
Image Les calepins d’Anne Partager cet article : Les bienfaits des eaux thermales de Luz-Saint-Sauveur n’étaient pas ce qui intéressait Anne Lister. Si sa compagne était venue pour une cure, Anne, elle, y voyait une nouvelle occasion d’explorer les Pyrénées, ces montagnes audacieuses encore méconnues. Alors, en cet été 1838, une idée quelque peu saugrenue lui était venue… Image Anne aurait pu regarder passer le fil des jours, dans le cadre reposant du manoir de Shibden Hall, se laissant gagner par l’oisiveté de sa condition, penser toilettes, coiffures, invitations, missives aux amis… Non, Anne avait décidé très tôt que cette condition imposée par la haute société anglaise ne lui convenait pas. Qu’elle ferait autre chose de sa vie, qu’elle jouirait d’une liberté sans entraves, quel qu’en soit le prix.Alors elle avait pris les rênes du domaine, géré avec autorité les affaires familiales, choisi d’aimer comme elle le voulait. Elle s’était intéressée à tout, avait beaucoup étudié, absorbé ces récits de naturalistes, de scientifiques, des premiers voyageurs du 18e siècle partis effectuer The Tour, ouvrant des voies dans les Alpes, mais aussi dans les Pyrénées, moins connues. Les écrits de Picot de Lapeyrouse et de Carbonnières surtout, leurs explorations des hautes Pyrénées lui avaient ouvert un monde, peuplé de plantes et roches savamment décrites, de paysages grandioses… Alors oui, elle s’y était cru, elle s’était vue sur ces pentes, sur ces sentes, en haut de ces montagnes inexplorées, ouvrant la voie à d’autres, pionnière parmi les pionniers. Le Vignemale, plus de 3000 mètres d’altitude jamais atteints. Un nom qui sonnait comme un défi pour une femme qui voulait faire sa place, aller où l’homme allait, le dépasser, se surpasser. C’était décidé, elle monterait sur le plus haut sommet des Pyrénées françaises, pour le conquérir, y laisser son nom. On lui avait parlé de Cazaux, un guide expérimenté qui pourrait l’emmener. Pressée par la venue d’un concurrent sérieux animé de la même intention, le 6 août 1838, elle partit sans attendre…- J’ai mis une robe de marche, noire comme toujours, mon manteau épais et mes bottes de cuir. Charles et Sajous sont avec moi ; avec eux j’irai jusqu’au bout. Je note dans mon calepin :«Départ à 5h20 du matin à pied depuis la cabane des Saoussats Dabats. À 6h40, nous atteignons le premier degré. Nous escaladons une cheminée rocheuse. Pause à 7h07 pendant 12 minutes. À 8h05, nous atteignons le second degré, c’est-à-dire la neige du cirque. Nous mettons les crampons et repartons à 8h18. Nous marchons sur la neige sans la quitter jusqu’à 9h08, puis nous nous reposons sur une petite butte herbeuse jusqu’à 9h20. Nous enlevons les crampons à 10h00. Pause au sommet de la seconde crête. Je m’allonge un peu, mets mon manteau et ne ressens pas le froid. Le ciel est couvert mais clair toute la matinée, sauf au lever du soleil. Nous repartons à 11h00. Je suis prise de nausée juste avant. Nous atteignons le sommet à 13h00. Nous descendons pendant une heure pour observer les Rochers à Pic, le glacier et le col. Nous déposons nos noms dans une bouteille et entamons la descente à 14h00.» *Histoire librement inspirée de l’ascension du Vignemale par Anne Lister en 1838, première ascension de ce sommet, qui plus est par une femme. Exploit sportif, tant l’équipement était rudimentaire, et surtout exploit à portée sociale à une époque où les ascensions en montagne étaient l’apanage des hommes. En 1830, elle avait déjà fait l’ascension du Mont Perdu, devenant la première femme à atteindre ce sommet. Ses carnets, retrouvés seulement en 1968, ont permis d’inscrire Anne Lister dans l’histoire du pyrénéisme. Diariste, femme de lettres et exploratrice, elle laisse une œuvre de 24 volumes (carnets) et reste connue avant tout en Angleterre comme étant la première lesbienne moderne, tant sa vie et sa personnalité ont influencé son époque. Voir plus Fermer Image Le Pas de l'Echelle, par Paul-Jean-Pierre Gélibert, lithographie, 1838. Delpech Viviane (c) Inventaire général Région Occitanie (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour Courses au sommet, la preuve en bouteille !Séjournant à la station thermale de Luz-St-Sauveur, avec sa compagne qui y suit une cure, Anne Lister multiplie les excursions dans les environs, l’été 1838. A 47 ans, elle devient la première femme et première « touriste », à conquérir officiellement le Vignemale, mais sa victoire est ursurpée... Après avoir écrit son nom et celui de ses guides sur un papier glissé dans une bouteille, l'expédition redescend rapidement, car le guide Cazaux doit repartir le lendemain avec Ney, 2e prince de la Moskowa, qui souhaite aussi être le premier à atteindre ce sommet. Anne Lister et ses guides arrivent à Gavarnie à 13 heures, le mercredi 8 août. Le 11 août, l’expédition de Ney arrive au sommet. Guillembet, 2e guide auprès de Cazaux, a été envoyé en avant, pour faire disparaître la bouteille laissée au sommet. Cazaux affirme que Lister a abandonné en cours de route, et que le prince est vainqueur. Quelques jours plus tard, face à une Anne furieuse qui exige de rétablir la vérité, Cazaux lui rédige un certificat devant son avocat, prouvant sa réussite :«Je soussigné, Henri Cazaux, demeurant à Gédre, déclare pour rendre hommage à la vérité, que le sept du mois d'août, j'ai servi de guide à Madame Ann Lister de Shibden Hall pour l'ascension qu'elle a faite le-dit jour. Elle avait avec elle deux autres guides qu'elle avait pris à Luz, Jean-Pierre Charles et Jean-Pierre Sajous. Je certifie que tous ensemble nous sommes parvenus à la pointe la plus élevée du Vignemale et que, à ma connaissance, personne d'autre n'a jamais monté si haut. En preuve d'ascension, il a été dressé une espèce de colonne en pierres dans le milieu de laquelle nous avons mis une bouteille renfermant un papier que madame Lister a écrit la date du sept août, ses noms et les noms de ses guides ; cette preuve matérielle durera longtemps si quelque autre voyageur aussi intrépide que Madame Lister ne va détruire ce petit monument. En foi de quoi, à Gèdre, le 17 août 1838. Signé en présence de Cazaux Henri, Alambon, Jean-Pierre Charles et Jean-Pierre Sajous, soussignés, attestent la vérité des faits rapportés dans la déclaration ci-dessus.» Image Station thermale de Saint-Sauveur. Thuret Julien (c) Inventaire général Région Occitanie (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour Image Etablissement thermal de Saint-Sauveur, par Louis-Julien Jacottet, lithographie, vers 1840 Delpech Viviane (c) Inventaire général Région Occitanie (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour Image Il aurait pu poursuivre ses voyages à travers le monde ou s’installer ici, dans le confort d’un grand hôtel, pour profiter de la vue sur la montagne, des soirées qu’il affectionnait où parler des heures durant avec artistes et lettrés… Mais le Vignemale l’avait happé. Hypnotisé. Le plus beau, le plus majestueux des sommets pyrénéens. L’amour de sa vie. Alors que la route thermale décidée par l’Empereur reliait les grands bains des Pyrénées, que le train entrait en gare de Bagnères-de-Bigorre pour la première fois en 1862, dans la liesse générale, les tsoin-tsoin de la fanfare, Henry Russell choisit la marche. L’ascension. Le bâton ferré. Le sac en peau dans lequel se glisser, la rudesse du climat montagnard plutôt que l’oisiveté des bains fumants... Fini Asie, Océanie, Himalaya. Les Pyrénées désormais lui suffiraient. Image Accès au cirque de Gavarnie en longeant le gave. Poitou Philippe (c) Inventaire général Région Occitanie (c) Conseil départemental des Hautes-Pyrénées Image Route départementale dite route thermale n°1 au niveau du col d'Aspin au début du 20e siècle. Peiré Jean-François (c) Inventaire général Région Occitanie (c) Conseil départemental des Hautes-Pyrénées - J’emmène avec moi mes carnets, pour noter mes inspirations, garder une trace de ces fulgurances que m’inspire la montagne : «J’ai couru partout. Quant aux rochers, j’en ai fait ma table, mon oreiller et ma maison». J’ai voulu voir dans la Nature un clavier avec lequel composer ma journée, égrène des sensations telles des notes, vibrer au diapason des éléments. «Quand je m’allonge au grand soleil sur une pelouse à 2000 mètres, j’éprouve un tel plaisir… Et quand je me couche sur le sommet d’un pic, je suis encore bien plus heureux». Si l’eau des thermes soigne et soulage, l’air de la montagne me porte. C’est ma respiration.- «Cette indéfinissable ivresse morale que donnent la vie nomade et libre, le vent, la mer et les déserts, semble être un privilège des Anglais. C’est une passion même chez les femmes.» Comme cette compatriote, Anne Lister, dont on m’a parlé : tout comme moi, elle avait voyagé et s’était éprise du Vignemale, l’aurait même conquis. J’aimerais retrouver ses calepins disparus, plonger dans ses souvenirs, m’imprégner de son regard sur ce sommet qui est devenu mon rêve, mon temple, mon domaine. - Je voulais faire découvrir le Vignemale à tous, que les princes, artistes et savants viennent ici, quittent les salons feutrés des villes thermales et comprennent que la Nature, malgré ses caprices, est bien plus hospitalière qu’on ne l’imagine. Alors, je décidais d’y aménager des grottes, pour y vivre, y dormir, recevoir mes amis. Je prenais du soin à les recevoir pour que cette expérience les marque toute leur vie. «Nous dînions sur des nappes blanches, éclairés par des lampes à pétrole, tandis que le vent hurlait dehors.» J’organisais parfois un concert : au détour d’un sentier, un ensemble polyphonique attendait mes hôtes avec leur chant intense qui faisait vibrer la montagne. Un autre jour, un joueur de hautbois réjouissait leur ascension d’un air mélancolique puis entraînant… Je savais qu’ainsi, ils redescendraient le lendemain, portés par cette montagne, enivrés à jamais de leur voyage aux Pyrénées.*Les extraits cités sont issus de «Souvenirs d’un montagnard», 1878. Texte librement inspiré des écrits d’Henry Russell. Image Image Cauterets, fin du 19e siècle.Le pouls de la station bat au rythme trépidant des ascensions aux sommets et des grandes constructions, apaisé seulement par les volutes des bains, odeurs de camphre, eucalyptus, lavande. Image Entrée du grand hôtel d'Angleterre, Cauterets (65). Thuret Julien (c) Inventaire général Région Occitanie (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour Dernière folie, l’ouverture du Grand hôtel d’Angleterre, avec ses 300 chambres. Ici, rien n’a été laissé au hasard : ascenseur hydraulique, eau courante à tous les étages, chauffage central, salons cossus, écuries, service d’omnibus vers la gare de Pierrefitte… Le thermalisme rime désormais avec modernité. Tandis que Cauterets, Bagnères, Luchon, Barèges… connaissent une effervescence qui voit pétiller sources sulfureuses naturelles et coupes de champagne, il est un homme qui regarde en arrière. Henri Beraldi a choisi l’une des dernières pensions de famille pour écrire au calme et tenter de terminer le premier volume d’une œuvre monumentale. Depuis des années, il achète et dévore les récits d’explorateurs qui ont parcouru les Pyrénées. Il pense les avoir tous découvert. Il en dresse la liste précise, depuis Ramond de Carbonnières, naturaliste poète qui identifia tant de fleurs nouvelles, jusqu’à Russell, cet anglais excentrique qui popularisa ces montagnes, sans oublier Chausenque, le premier à parcourir toute la chaîne pyrénéenne, à évoquer tant la géologie que les mœurs locales, à dresser des cartes utiles à tous. Image Henri a déjà dressé la liste du contenu des ouvrages qui suivront, tout y est :- «La connaissance pittoresque des Pyrénées est aujourd’hui complète». Je crois avoir réussi à retracer un siècle d’explorations et de récits, pour rendre hommage à tous ceux qui partageaient une même philosophie : ascensionner, sentir, écrire. Je veux les appeler ici «les Pyrénéistes». Cependant, parmi toutes mes recherches, il est une trouvaille à laquelle mon esprit consciencieux ne cesse de revenir : ce carnet que l’on me porta un jour, à la couverture marbrée, à l’étiquette jaunie, aux lettres penchées d’une écriture disparue... Rédigé par une Anglaise, Anne Lister, il me fut absolument impossible de comprendre de quoi il en retournait, tant le style télégraphique, outrageusement codé, empêchait de le déchiffrer. J’aurais dû tenter de l’acheter alors, pour disposer de plus de temps pour l’étudier. Sans doute quelqu’un, un jour, s’y attellera. Qui sait ce qu’il nous révèlera…*Texte librement inspiré des écrits de Henri Beraldi. Image Intérieur de la grotte Bellevue du Vignemale, comte Russell. 6 août 1902 (5h du soir). (c) Archives départementales de la Haute-Garonne, Fonds Jean Bories, cote 82 FI NEG 66 Ouvrez la mallette pédagogique associée à ce récit pour faire découvrir le patrimoine des Hautes-Pyrénées aux enfants de cycle 3 (CM1-CM2-6e) : Image Faire le quiz sur le patrimoine des Hautes-Pyrénées : Image Crédits :Texte : Stéphanie Brunon, Luth MédiationsConception, relecture : Christelle Parville et Alice de la Taille, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région OccitanieGraphisme : Gisèle Jacquemet, Luth Médiations