Les chroniques de la Grande Guerre : l'année 1916

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Titre
Les chroniques de la Grande Guerre : l'année 1916
TItre
Janvier 1916
Corps

1916 est la première année de recouvrement d’un nouvel impôt, l’impôt sur le revenu.

Comme l’an dernier à pareille époque, le président de la République ne reçoit que le gouvernement à la cérémonie des vœux de nouvel an.

Dans notre région, le général commandant la 17e région et les autorités locales, le préfet du Gers, le sous-préfet de Gaillac, le maire de Toulouse… suppriment également ces réceptions traditionnelles "en raison des événements".

Impôt sur le revenu
Par décret du président de la République, du 30 décembre 1915, le point de départ des délais pour les déclarations relatives à l’impôt sur le revenu est reporté du 1er janvier 1916 au 1er mars. Les contribuables auront jusqu’au 30 avril pour remplir leur première déclaration d’impôt sur le revenu. La presse régionale informe des conditions suivantes : l’impôt est dû si les revenus de l’année précédente sont supérieurs pour un célibataire à 5 000 F, pour les couples à 7 000 F, 8 000 F s’ils ont un enfant. Ils peuvent ajouter 1 000 F par enfant jusqu’au cinquième, ensuite 1 500 F par enfant. Les mobilisés et les réfugiés feront leurs déclarations à la fin du conflit. L’impôt à payer est progressif : pour la tranche de 5 000 à 10 000 F, le prélèvement est de 0,40 %, de 10 à 15 000 F de 0,8%, de 15 à 20 000 F de 1,2%, de 20 à 25 000 F de 1,6% et au-delà , 2%.

Le comité central d’études et de défense fiscale placarde sur les murs de Paris cette affiche de Georges Villa datée de 1914.
Le comité central d’études et de défense fiscale placarde sur les murs de Paris cette affiche de Georges Villa datée de 1914, © Université de Caen Basse-Normandie 

Agriculture
"Annado dé fé, annado dé ré" (Année de foin, année de rien) tel est le résumé de la saison agricole 1915. En janvier 1916, les démonstrations de mécanisation dans l’agriculture se poursuivent. À l’initiative de la Compagnie des chemins de fer d'Orléans et de la Compagnie du Midi, la Société centrale d'agriculture de l’Aude et le Comice agricole de Narbonne organisent du 20 au 25 janvier, à Narbonne et Carcassonne, des essais de motoculture avec trois tracteurs à essence équipés de divers accessoires, l'un spécial pour l'agriculture, l’autre pour la viticulture, le troisième pouvant être utilisé dans les champs et dans les vignes. La même "expérience" est réalisée à la ferme-école de Hourre près d’Auch, puis à Albi, à Lavaur… À Gaillac, le Comptoir Agricultural utilise les tracteurs "Bijou" et "Furet" pour les travaux légers de viticulture, le "Petit Griff" instrument mixte viticulture et agriculture et le "Bull" pour l’agriculture.

Tracteur Big Bull distribué par le Comptoir Agricultural Schweitzer et Cie à Paris 86 rue de Frandre.
Tracteur Big Bull distribué par le Comptoir Agricultural Schweitzer et Cie à Paris 86 rue de Frandre, © Moulin.chauffour.free

Les viticulteurs gersois se plaignant du faible prix des réquisitions ont porté l’affaire en justice. Ils obtiennent la condamnation de l’intendance de l’armée par le juge de paix de Valence : les vins de 8 degrés et au-dessus doivent leur être payés 45 F l’hectolitre, ceux inférieurs à 8 degrés, 40 F. S’appuyant sur ce jugement, les représentants des communes viticoles de l’arrondissement de Gaillac demandent à leur tour son application.

Armée
Par décrets des 26 février et 1er mars, le gouvernement crée dans le service de santé des armées l’emploi de dentiste militaire car l’hygiène bucco-dentaire des soldats est inexistante. 1 000 dentistes sont alors nommés avec le grade d’adjudant et arborent au collet de leur uniforme l’insigne distinctif du caducée d’argent accompagné de la lettre "D". Placés sous les ordres du médecin-chef de leur unité, ils sont porteurs du brassard prévu par la Convention de Genève comportant la croix rouge sur fond blanc.

Publicité concernant le dentifrice parue dans L’Express du Midi.
Publicité concernant le dentifrice parue dans L’Express du Midi, © Archives municipales de Toulouse

Mais pour les soldats la priorité réside dans l’amélioration de leur équipement. Aussi, suite aux nombreuses plaintes, une commission est-elle chargée de rendre compte des mesures prises pour les protéger plus efficacement contre les intempéries et d’étudier plus particulièrement la question des chaussures des tranchées qui n’est toujours pas résolue. L’armée ne peut plus cacher ces problèmes révélés notamment lors des permissions des soldats qui, pour certains, rapportent des objets dangereux. Venant pour six jours chez sa mère, à Nougarolet près d’Auch, un soldat du 135e R. I. T. dévisse le dessus d’une bombe qui explose et le blesse mortellement.

Enfin, le ministère de la Guerre adopte un nouveau système de fermeture pour les caisses à munitions dû à notre compatriote, le lieutenant Jean Nouvel. Il a inventé un système qui permet l’ouverture et la fermeture rapide, sans l’aide d’outils, de ces caisses qui peuvent être réutilisées.

Culture
Au début du mois, le père de Sacha Guitry, Lucien Guitry, donne une seconde et dernière représentation de grand gala au Théâtre toulousain des Variétés. L’éminent artiste (il est considéré comme le plus grand comédien de son époque) interprète le principal rôle dans "L’Émigré", de Paul Bourget. Il se produit à 14 heures, matinée offerte par la Société des Artistes aux blessés des hôpitaux temporaires de Toulouse. Dans cette ville, les cours publics municipaux (langues vivantes, histoire populaire…) débutent le samedi 7 janvier.

Lucien Guitry.
Lucien Guitry. © Wikimedia.org

Le sculpteur Nicolas Grandmaison, originaire de Toulouse, fait partie d’un des convois de réfugiés Belges qui arrive le 3 janvier dans cette ville. Sociétaire des Artistes français, il a offert une sculpture, la "Belgia 1914", au roi Albert, roi des belges. Nicolas Grandmaison, auteur de nombreuses statues, participera, la guerre terminée, au mouvement d’érection des monuments aux morts, intervenant à Léran (09), Sigean, Pouzols-Minervois, Paraza et Durban-Corbières (11), Tournefeuille, Villaudric et Colomiers (31), Agel (34)...

Léran, monument aux morts de Nicolas Grandmaison.
Léran, monument aux morts de Nicolas Grandmaison. © Région Occitanie

Industries
La main-d’œuvre étant rare, le ministère de la Guerre autorise l’embauche des femmes, des mutilés, des blessés, des réformés et des convalescents dans les usines privées qui travaillent pour le compte de la Défense nationale. Même les jeunes sont mis au travail comme cette jeune fille de 15 ans, "pédaliste" à l’imprimerie Bouquet à Auch qui se blesse sur une machine.

La dérégulation ne touche pas encore les salaires. Les comités départementaux en sont chargés comme celui l’Ariège qui établit ceux des ouvrières travaillant à domicile dans l’industrie du vêtement en fixant les prix minima de la journée de 10 h : par exemple la confection de vêtements pour dames est payée 2,75 F la journée, les vêtements pour hommes à 3 F, les képis et casquettes, 2,75 F. Pour les chaussures, les mécaniciennes travaillant le cuir et les "joigneuses", touchent 3 F la journée comme les mécaniciennes, les monteuses et les finisseuses qui travaillent la toile. La lingerie est payée 2,50 F ; la broderie et les dentelles, 3 F lorsque les fleurs artificielles et la bonneterie, 2,50 F. Les chapeaux et les plumes rapportent 8,50 F.
Mais le salaire minimum à respecter est bien faible et la misère ouvrière grande. Aussi, les employeurs travaillant dans l’imprimerie accordent-ils aux ouvrières nécessiteuses la possibilité de rapporter dans des sacs le coke nécessaire au chauffage de leur logement.

Municipalité
La Compagnie du gaz de Toulouse augmentant ses prix au 1er janvier, la municipalité contre-attaque par la voie judiciaire. Reconnaissant que le prix du charbon a augmenté, elle rappelle à la Compagnie la hausse significative des prix des sous-produits et résidus vendus par cette dernière (du coke au sulfate d’ammoniaque). De plus, la Ville accuse le gaz carburé, produit du gaz sulfureux, d’être dangereux pour la santé humaine et corrosif sur tous les objets en cuivre et les canalisations souterraines de gaz. Elle soupçonne que les fuites du réseau seraient la cause du dépérissement des arbres bordant les boulevards. Aussi, l’administration locale ne paie-t-elle à la Compagnie que le prix du gaz avant l’augmentation.

Les plaintes de la population sont également de plus en plus nombreuses. Elles portent sur les prix élevés des produits vendus sur les foires, probablement à cause des réquisitions mais aussi des accapareurs et de la spéculation. Par exemple, le prix du sucre est passé en un an à Gaillac de 0,70 F le kg à 1,30 F. À Carmaux, des incidents éclatent sur le marché vers le 17 janvier, car les femmes d’ouvriers mineurs et de verriers protestent vigoureusement contre le prix du porc qu’elles jugent "exorbitant" : les "courtiers achètent en grande quantité et dépouillent les marchés". Par exemple, le 20 janvier à la foire d’Albi, des négociants achètent la douzaine d’œufs à 2 F alors qu’ils étaient proposés à 1,50 F.

Aussi, les autorités prennent-elles localement des mesures : le préfet de l’Aude interdit à partir du 23 janvier les sorties d’avoine hors du département et celui de la Haute-Garonne projette de réglementer la viande. Les revendeurs de volailles et œufs sont interdits sur les marchés tarbais jusqu’à 14 h et le maire de Lavaur étend cette mesure aux expéditeurs, courtiers ou commissionnaires.

Les autorités ont souvent le soutien des consommateurs comme lorsque la mairie de Decazeville s’oppose à la grève de trois jours organisée par les laitiers qui veulent un prix de vente du lait à 0,30 F le litre au lieu des 0,25 F réglementaires. Le mouvement est un échec et les municipalités interviennent de plus en plus dans la réglementation des prix. La vente de pain est limitée dans la région toulousaine à une seule qualité et il ne peut être vendu qu’au poids et au détail alors que Gaillac arrête son prix et celui des bœufs, vaches, veaux, moutons, brebis et porcs.

La situation est de plus en plus préoccupante car les ressources municipales s’affaiblissent : Albi déclare que les produits de l'octroi de 1915 ont été inférieurs à ceux de 1914 de 19 891,55 F. Elle annonce les nouveaux tarifs au 1er janvier 1916 : les poules, poulets et pintades, vivants ou morts sont taxés 10 F les 100, les foies d'oie ou de canards, 1,65 F les 10, les lièvres et levrauts, 0,60 F les 10, les bécasses, perdreaux et sarcelles, 8,80 F les 10 et le kg de truffes, 0,83 F.

Parfois, des maires sont suspendus de leurs fonctions comme celui d’Andouque (Tarn), par le préfet qui lui reproche d’avoir délivré un faux certificat attestant qu’un mobilisé avait six enfants. Celui de Mérens dans l’Ariège est relevé de ses fonctions par le général Goetschy, commandant la 17° région, car il est entré "en conflit avec l’autorité militaire", probablement parce qu’il n’appliquait pas les réquisitions. C’est également le cas du maire de Moustajon (31) qui sera condamné le mois suivant, pour le même motif, à 100 F d’amende. Les mesures de suspension sont temporaires car l’État ne peut pas se permettre de se passer des élus locaux, peu nombreux. Rappelons que les pouvoirs des conseillers municipaux, généraux et d’arrondissement sont prorogés, puisqu’il ne peut y avoir d’élection jusqu’à la cessation des hostilités.

Enfin, une explosion se produit le 27 janvier à l’arsenal de Tarbes : 4 ouvrières sont mortes, 4 blessées sont transportées à l’hôpital et 8 sont seulement légèrement blessées. 11 autres qui travaillaient dans l’atelier dans lequel l’explosion est survenue sont rentrées chez elles.

Œuvres sociales
De nouvelles œuvres apparaissent en janvier. Parce que de nombreux soldats appelés à Toulouse, permissionnaires sans famille et sans foyer, militaires provenant de régions envahies… couchent à la belle étoile ou trouvent parfois refuge à la geôle municipale, la "maison du soldat" est créée à Toulouse. Elle a pour objectif de leur assurer un gîte provisoire. Les dons (sommiers, matelas, paillasses, couvertures, draps, lits, linges et armoires à linge, tables, chaises, poêles …) affluent pour une ouverture en fin de mois. Une deuxième œuvre apparaît également, le "sou du soldat" qui a pour but de procurer quelque argent aux soldats nécessiteux.
Quant à l’association des mutilés du Tarn qui aide et assiste les mutilés, elle rencontre de grands succès sur les appareils de 63 mutilés. Elle les finance et participe également aux essais de rééducation physique tentés notamment à Albi. À Beaulieu près d’Auch, l’école de rééducation professionnelle va ouvrir ses portes et recevoir 40 élèves.

Transports
En raison de la crise des transports, des députés demandent la nationalisation du matériel de transport français. La réaction de la compagnie de chemins de fer du Midi ne tarde pas : elle propose des primes de 2 F par jour et par wagon aux personnes qui déchargent en moins de deux jours les produits qu’elles reçoivent. Dans un deuxième temps, elle détache un inspecteur du service central pour contrôler la répartition des wagons dans le but d’améliorer le service.

Quant au préfet du Tarn, il préfère conseiller aux maires de son département de faire les commandes de "matériel roulant", "très longtemps à l’avance" et leur demande de privilégier les voies fluviales et routières (péniches, autobus, charrettes, voitures…).

Réfugiés
Les réfugiés affluent toujours dans notre région. Le 7 janvier, un convoi de 219 personnes arrive à Villebourbon (82) et deux jours plus tard, 60 autres provenant de Valenciennes sont à Castelnaudary. Le 18 janvier, 200 autres réfugiés sont en gare à Toulouse. Le Tarn-et-Garonne en a accueilli 2 427 depuis août 1914, dont 1 506 Français, 711 Belges et 39 Alsaciens-Lorrains. 111 d’entre eux ne reçoivent aucune assistance.

TItre
Février 1916
Corps

Le 3 février, le Royaume-Uni adopte le service militaire obligatoire et mobilise 4 millions d’hommes.

Le 21 février débute la longue bataille de Verdun qui durera jusqu’au 11 décembre 1916.

Économie 
Les comités consultatifs d’action économique sont chargés dans chaque région militaire, depuis octobre 1915, de proposer les mesures nécessaires au développement de la production nationale. Pour la 17e région militaire, le comité demande au préfet de la Haute-Garonne de faciliter l’importation de main-d’œuvre étrangère et la mise à disposition de militaires et des prisonniers de guerre. Il intervient également dans le domaine des transports et de l’économie. Mais face aux nombreuses revendications, des sous-comités départementaux, moins exigeants, sont rapidement mis en place.

Organisant sur le même schéma le secteur agricole, l’État crée par décret du 2 février 1916 les comités communaux d’action agricole. Ses membres sont désignés parmi les conseillers municipaux et les principaux agriculteurs du territoire. Les "femmes dirigeant une exploitation agricole [pouvant prendre] part au vote et […] faire partie du comité", Madame de Terssac est membre de celui de Saint-Lizier dans l’Ariège. Il s’agit "d’organiser le travail agricole et d’assurer la culture de toutes les terres". Des comités cantonaux d’organisation agricole sont également institués pour conseiller les comités communaux sur toutes questions relatives à la mise en valeur du sol, à la main-d’œuvre, à la culture, aux réquisitions, au transport etc… Ils doivent servir d'intermédiaires auprès des autorités militaires et civiles (plaintes d’ordre général, réclamations…).

Comité communal d’action agricole nommé par la commune de La Bastide-de-Sérou (Ariège).
Comité communal d’action agricole nommé par la commune de La Bastide-de-Sérou (Ariège), © Archives communales, La Bastide-de-Sérou

Parfois, l’armée intervient directement dans l’exploitation des ressources : le génie militaire du 18e Corps exploite depuis novembre 1915 les forêts de Bélesta (09) d’où sont tirées chaque jour 20 tonnes de bois, le double à la belle saison, ce qui paralyse les transports. Le bois étant une ressource importante, exclusivement réservée à l’armée, il fait défaut notamment à la presse qui diminue le nombre de pages publiées car les stocks de papiers s’épuisent.

Agriculture
La grogne des agriculteurs s’amplifie car ils jugent dérisoires les prix proposés par les commissions des réquisitions au moment où les matières premières manquent : le nitrate de soude, 45 F les 100 kg, devient rare car il est utilisé comme explosif par l’armée. Le sulfate de potassium manque également mais il provenait d’Allemagne. Le prix du sulfate de cuivre, jugé exorbitant par les viticulteurs d’Armagnac, est dû aux Anglais qui n’autorisent plus son exportation.

Par ailleurs, de nombreux propriétaires de l’Aude ne peuvent pas obtenir de livraison des tourteaux nécessaires à l’alimentation des bestiaux et à leurs vignes car, cette fois, les exportations françaises sont privilégiées.

Même si les démonstrations de labour rencontrent un certain succès, les coûts d’équipement sont trop élevés et ne sont pas à la portée de la majorité des agriculteurs. De plus, le ministre de la Guerre annonce que l’armée peut, dans la mesure de ses possibilités, prêter les chevaux des dépôts aux agriculteurs mais dans les faits c’est quasiment impossible comme le déclare aux agriculteurs le préfet de l’Aude.

Armée
Le ministre de la Guerre envisage l’emploi de femmes dans l’armée. Aussi, les personnes intéressées doivent-elles en faire la demande, visée par le maire de leur résidence, auprès du sous-intendant militaire local en indiquant leur profession (copiste, dactylographie, ouvrière de magasin, etc…). Le sous-intendant de Carcassonne indique que les demandes doivent lui parvenir avant le 20 février et précise la durée de la journée de travail de 9 h (7 à 11 h et 13 à 18 h) avec repos du dimanche.

Nicole Girard-Mangin, unique femme médecin, est affectée au front dans le secteur de Verdun qui croule sous les bombes le 21 février 1916.
Nicole Girard-Mangin, unique femme médecin, est affectée au front dans le secteur de Verdun qui croule sous les bombes le 21 février 1916, © Wikipedia.org

L’armée participe également aux sociétés locales de préparation militaire qui annoncent la reprise de leurs cours au début du mois. Aux séances d’éducation physique et de préparation au tir, s’ajoutent les cours de topographie et d’hygiène. La préparation militaire est alors assurée par les établissements publics d’enseignement et par les associations ou sociétés agrées par le gouvernement. Elle est sanctionnée par le brevet d’aptitude militaire.

Les besoins de l’armée recouvrent tous les domaines et en début de mois elle réquisitionne les rails et traverses appartenant au Tarn-et-Garonne, de lignes en projet : le département se résout difficilement à la perte de 36 km de voies et de plus de 80 000 traverses.

Municipalité
Les municipalités rencontrent de nombreuses difficultés financières et pour en atténuer les effets, Villefranche-de-Rouergue demande par exemple à l’administration des contributions directes une remise sur les 5 000 F d’impôts dus pour des immeubles réquisitionnés par l’armée.

Auch donne les raisons pour lesquelles les recettes, et notamment le produit de l’octroi par exemple, ont fortement baissé. Le départ de la presque totalité des soldats de la caserne en est la principale cause : la quantité de viande qui entrait en ville a fortement chuté ainsi que celle des fourrages, conséquence de la baisse des effectifs de la cavalerie. La diminution de la demande due à l’augmentation des prix de nombreux produits notamment alimentaires ou combustibles (bois, houille, charbon, pétroles…) et l’arrêt de nombreux travaux ont également entraîné une chute des comptes de l’octroi. Des conseillers municipaux proposent sa suppression ce qui fera économiser un personnel nombreux.

De plus, les municipalités doivent restreindre, à la demande du ministère de la Guerre, l’utilisation de l’énergie électrique réservée en priorité aux usines produisant les engins de guerre. L’éclairage public électrique est supprimé des voies pourvues d’appareils à gaz et réduit ailleurs, dans les lieux publics et privés (cafés, restaurants, salles de spectacles…), les "réclames lumineuses" étant désormais interdites. Aussi, la demande du "nombre considérable" d’ouvriers travaillant à la poudrerie toulousaine, reste-elle vaine : ils souhaitaient l’installation d’un éclairage public entre le pont Saint-Michel et la Poudrerie à l’intérieur du Parc Toulousain car "quand la lune ne brille pas c’est dans la nuit noire qu’ils doivent effectuer le trajet". C’est malheureusement le moment que choisit Villeneuve-d’Aveyron (Aveyron) pour inaugurer le 22 février son nouvel éclairage public électrique. Ce n’est pas à cause de la réduction d’énergie électrique que Foix souhaite réviser son contrat forfaitaire annuel de 10 000 F qui la lie à Société d’éclairage locale. La municipalité a constaté depuis quelques temps que la société ne remplit pas toutes ses obligations : sur 333 lampes qui doivent éclairer du coucher du soleil à minuit, seules 163 le sont jusqu’à 23 h et la totalité des lanternes de banlieue ne sont plus allumées.

Quant à Toulouse, un grand nombre d’abonnés du gaz (600 environ) décide le 5 février de ne plus payer les quittances qui portent les nouveaux tarifs et le mouvement s’étend. Mais la ville signe quelques jours plus tard un accord avec la Compagnie : le prix du gaz est porté à 0,185 F le m3 et 3 F de dégrèvement par an seront accordés aux personnes habitant un logement avec un loyer de moins de 150 F.

Face aux professionnels de plus en plus nombreux qui ne tiennent pas compte des prix réglementés, les municipalités saisissent la justice : deux boulangers de Lombez ayant triché sur le poids du pain sont condamnés à payer 200 F pour l’un, à 150 F pour l’autre et à Albi pas moins de 35 laitiers qui avaient porté indûment le prix du lait de 0,25 à 0,30 F le litre de lait sont punis chacun de 15 jours de prison avec sursis et 300 F d’amende.

Affiche du préfet de la Haute-Garonne interdisant le travail de nuit des boulangers.
Affiche du préfet de la Haute-Garonne interdisant le travail de nuit des boulangers, © Gallica.bnf.fr

Enfin, une souscription est lancée à Saint-Affrique pour l’épée d’honneur du général de Castelnau, né le 24 décembre 1851 dans cette ville. Il est élevé depuis le 8 octobre 1915 à la dignité de Grand-Croix de la Légion d’honneur.

Transports
Malgré les commandes de wagons, les travaux d’agrandissement des infrastructures (gares essentiellement) et l’emploi de prisonniers manutentionnaires, les marchandises s’accumulent toujours. En conséquence, la "société des chemins de fer du Midi" décide l’ouverture des gares le dimanche pour évacuer dans un premier temps les marchandises en souffrance. Elle précise que ce jour comptera comme les autres jours.

Bonnes œuvres
À chaque mois, une nouvelle œuvre est créée : "l’union des Pères et Mères dont les fils sont morts pour la Patrie" a pour but d’honorer la mémoire des morts et de secourir moralement les parents frappés du deuil.

En ce mois, à l’exemple de la Haute-Garonne, les autorités organisent les différentes initiatives privées, les réunissant dans le Comité central des Œuvres de guerre qui siège à la préfecture. Cette mesure est probablement la conséquence de nombreux abus. Le dernier en date s’est déroulé à Albi lorsque le président des réfugiés du Nord est arrêté, accusé d’avoir détourné 1 200 F au préjudice de son association. 
Le département lance la "semaine de la Haute-Garonne" et planifie les opérations pour recueillir les dons. Pour plus de facilité, Toulouse est par exemple divisée en secteurs parcourus par les quêteuses qui portent un brassard blanc galonné d’un ruban tricolore et présentent une carte timbrée du sceau de la préfecture dûment paraphé. Le tronc portatif est le même pour toutes et des commissaires choisis par le comité central aident les chefs de groupe dans le contrôle des diverses opérations de la quête. Le bénéfice est réservé aux mutilés, prisonniers orphelins et militaires tuberculeux de la Haute-Garonne.

Dans la capitale régionale également, la maison du soldat est inaugurée et ouverte depuis le 9 février et Albi rend compte que du 7 septembre 1914 au 3 févier 1916, 20 565 militaires ont été hospitalisés.

Dans le Gers, 29 enfants serbes, dont plusieurs accompagnés de leurs familles, sont accueillis le 14 février à Beaumont-de-Lomagne pour y suivre des cours à l’école primaire supérieure. Ils sont rejoints par des réfugiés de Meurthe-et-Moselle qui étaient retenus prisonniers en Allemagne depuis le début de la guerre. Le conseil général vote également les crédits et nomme une commission chargée d’ouvrir le plus tôt possible l’Institut départemental de rééducation agricole sur le modèle de celui crée dans la Haute-Garonne. Fondée à Toulouse, au 4 rue des Récollets, l’école professionnelle en faveur des mutilés et réformés est subventionnée par l’État.

Les métiers enseignés sont la cordonnerie, la comptabilité, la sténodactylographie, la saboterie, la menuiserie, le tournage, la vannerie, la moulure et la sculpture ornementale.

Culture
L’académie des Jeux Floraux à Toulouse organise le concours de la Violette d’or et annonce que les ouvrages peuvent être envoyés à l’Hôtel d’Assézat et de Clémence Izaure jusqu’au 20 février. Le concours est ouvert à toute poésie (ode, sonnet ou groupe de sonnets, poème) inédite s’inspirant du sujet suivant : "à la gloire de l’armée française".

Par ailleurs, les milieux culturels toulousains s’enorgueillissent que la Joconde, célèbre tableau de Léonard de Vinci et 800 autres toiles signées Rubens, Raphael, Van Dyck, Watteau, Delacroix… soient protégés à l’abri dans un immeuble "près de la basilique romane à Toulouse". Il a fallu un train entier pour les transporter à la fin août 1914 du Louvre à la capitale régionale.

Aides de l'Etat
Au début du mois, le préfet de l’Ariège annonce par voie d’affiche qu’il sévira contre les personnes, dont des secrétaires de mairies, qui abusent de leurs fonctions : certains établissent contre rémunérations des dossiers de demandes d’allocations ce qui est interdit.

Le rappel à la loi est également la procédure suivie par l’inspecteur d’académie du Tarn-et-Garonne : il rappelle aux instituteurs mobilisés qu’ils doivent l’informer de toute nomination en tant qu’officier ou gendarme car ils percevront alors une solde mensuelle. Ils doivent choisir entre la solde ou le traitement qu’ils reçoivent, sous peine de rembourser ensuite au Trésor l’une des deux sommes.

Enfin, la société des mines de Carmaux décide de prendre en charge les orphelins des mineurs tués ou disparus. Ils recevront pendant 2 ans une allocation de 15 F par mois. Les réformés et mutilés de la société toucheront toujours, sur la même période, une allocation temporaire égale à la moitié de la pension allouée par l’État.

TItre
Mars 1916
Corps

Le 9 mars 1916, l'Empire allemand puis l’Autriche-Hongrie le 15 mars, déclarent la guerre au Portugal.

En France, le 16 mars 1916, le ministre de la Guerre, le général Gallieni, démissionne pour raison de santé. Il est aussitôt remplacé par le général Pierre-Auguste Roques, originaire de l’actuelle région Occitanie car il est né à Marseillan (Hérault), le 28 décembre 1856.

Buste du général Roques à Marseillan, son village natal. Bruno Barral.
Buste du général Roques à Marseillan, son village natal, Bruno Barral © Commons.Wikimedia.org

Agriculture
Les démonstrations et "expériences" de motoculture se poursuivent dans les différentes villes de la région et ont un grand succès à tel point que des "concours de culture mécanique" sont rapidement organisés. Un des premiers se déroule au domaine du conseiller général Marrot à Lafourguette près de Toulouse. Les discussions vont bon train sur le "Bull" d’un poids de 1 800 kg qui "fait le travail de 7 à 8 bons chevaux, en 10 h, laboure 2,5 ha à la vitesse de 5 km/h" et consomme 7 l d’essence environ par heure.

L’objectif est d’améliorer la production car le gouvernement, inquiet, surveille les stocks : par exemple, les enquêtes montrent que 12 978 676 hl de vins sont sortis des chais au 20 février dernier dont près de 2 000 000 de l’Aude qui en a encore 153 395 en cuves.

Pour le blé, les autorités demandent aux agriculteurs de déclarer avant le 15 avril les superficies ensemencées et avant le 15 octobre la quantité de grains récoltés. Elles pourront ainsi évaluer l’importance des stocks qu’elles réquisitionneront, promettant de les acheter au prix maximum de 33 F le quintal.

Les comités d’action agricole nouvellement créés sont associés à ces opérations. Mais leurs contrôleurs ne sont pas tous exemplaires. C’est le cas de monsieur Dupuy, propriétaire à Mirande (Gers). Nommé membre du comité d’action agricole, il est chargé de contrôler le ravitaillement. Également président de la commission de ravitaillement, il est donc chargé de se contrôler. Sa démission est demandée.

Dans le cadre des réquisitions, les excès existent aussi : les maires des communes audoises de Tréville, Villepinte et Lasbordes protestent contre les prélèvements de bœufs de travail. Avec raison semble-t-il car le sous-secrétaire d’État à la Guerre confirme que ces réquisitions sont "absolument interdites".

Les blessés et les mutilés
La bataille de Verdun qui a débuté le mois dernier, est probablement bien meurtrière car les convois de blessés ne cessent d’arriver, le 1er mars à Lavaur, vite répartis dans les hôpitaux de la ville, puis les jours suivants à Montauban, Toulouse, Foix, Carcassonne, Montpellier… Albi qui avait cessé d’organiser des concerts à l’hôpital temporaire n°4, les reprend vers le 10 mars en raison de la venue de nombreux blessés.
Avec eux arrivent également les mutilés qui ont besoin de soins supplémentaires.

À Albi, les nombreuses demandes (106 au 25 mars) sont instruites et un atelier de construction et de réparation de prothèses est en cours d’aménagement dans l’hôpital n°9. Il est inauguré à la fin du mois et les nombreux sous-comités aux mutilés se mettent en place avec comme objectifs de former puis placer les handicapés.

En revanche, la famille du carmausin Léon Fraissinet est heureuse d’apprendre le 20 mars qu’il est en vie : il fait partie des rescapés de la "Provence II". Ce paquebot transatlantique, réquisitionné et utilisé pour le transport de troupes, est torpillé le 26 février 1916 au large du cap Matapan. Il sombre, faisant 912 victimes dont de nombreux soldats de la région.

Le paquebot la « Provence » est torpillé le 26 février 1916 en Méditerranée.
Le paquebot la « Provence » est torpillé le 26 février 1916 en Méditerranée, © Wikipedia.org

Bonnes œuvres
Une nouvelle œuvre, "la cocarde du souvenir" est créée le 11 mars : son but est de défendre de l’oubli les noms des soldats morts sur le front.

Avec l’œuvre des soldats aveugles, sourd-aveugles et aveugles-manchots, le nombre d’associations augmente de mois en mois.

Afin de rendre plus efficaces les quêtes et plus lisibles leurs missions, les œuvres de la Haute-Garonne se regroupent au niveau départemental. Les comités de secours d’Albi et de Castres font de même et organisent conjointement la tombola au bénéfice de l’œuvre tarnaise des prisonniers et des œuvres d’assistance aux victimes de guerre et aux blessés de toutes les formations sanitaires du département. Concerts et matinées sont toujours donnés ce qui permet aux sociétés de financer les missions qu’elles mènent.

Affaires
Le 15 mars un patron mégissier de Graulhet est arrêté : il utilisait de faux tampons destinés au marquage des peaux. L’affaire fait grand bruit car des tampons retrouvés lors de la perquisition, portent les initiales "A. C." et "L. P." qui sont celles de deux experts récepteurs de l’administration militaire, Avérous Cassius et Louis Pélissier. La fraude est découverte car depuis quelques temps les livraisons ne correspondaient pas aux commandes : les experts n’avaient par exemple retenus que 571 chapes (des vêtements chauds pour les militaires) alors que 1 500 avaient été livrées avec leur tampon. L’autorité militaire prévenue, la commission de réception constate le délit le 5 mars à l’usine. De plus, le vol est manifeste car le nombre de peaux par paquets de 25 était parfois inférieur aux déclarations. Enfin, cinq jours plus tard, un court-circuit est à l’origine d’un début d’incendie vite maîtrisé mais cet incident alimente les commentaires et augmente les soupçons.

Les espions et les déserteurs 
Les autorités rappellent que les biens appartenant aux ennemis doivent être déclarés auprès du Parquet avant le 17 courant.

Aussi, les dénonciations sont-elles nombreuses. Par exemple, Léon Daudet appartenant à "l’Action française", mouvement royaliste, anti républicain et anti parlementaire, accuse, à travers ses articles, Richard Heller d’être un espion à la solde des Allemands. Richard Heller, autrichien naturalisé français, propriétaire avec trois autres Français de la société "la lampe d’Osram", possède une usine de lampes à Puteaux près de Paris et, entre autres, un magasin de vente situé à Cahors. Habitant cette ville depuis de nombreuses années, il est, à l’inverse de ses associés, inquiété par la police.

Mais c’est aux gendarmes que sont remis deux militaires Allemands évadés de Fleurance (Gers) en compagnie d’un troisième. En uniforme, ils ont été facilement repérés par deux personnes qui les ont poursuivis et attrapés. Le troisième, en fuite, sera arrêté les jours suivants.

C’est également les gendarmes, aidés cette fois des douaniers, qui arrêtent dans la vallée Ribérat sur la commune de Bordes-dur-Lez (09), 3 déserteurs du 130e R. I. T. Ils seront condamnés à cinq ans de travaux publics.

Industrie
Les centres lainiers d’Elbeuf, Vienne, Castres ou Lavelanet, les deux derniers dans notre région, représentent la majeure partie de la production française depuis que ceux de Roubaix, Tourcoing, Fourmies, Reims et Sedan sont en territoire occupé. Lavelanet, dans l’Ariège, se distingue des trois autres par le fait que la commune ne possède que trois usines plus une quatrième proche, à la Bastide-sur-l’Hers. Le travail s’y pratique en "chambre" c’est-à-dire chez le client et les fabricants doivent recourir à des façonniers (filateurs, teinturiers, apprêteurs ou tisserands). Les quatre centres sont exclusivement réservés à l’armée donc les grands magasins n’ont aucune autre possibilité que d’importer les tissus.

Les habits sont confectionnés le plus souvent par de la soie ou de la laine. Dans le premier cas les éleveurs de vers à soie à Guitalens (81) prévoient une très bonne année car les prix sont rémunérateurs, la faiblesse des arrivages du Levant en étant la cause.

Dans le deuxième cas, les industriels développent leur industrie grâce aux commandes de l’armée. Ceux installés rue du Gravas à Mazamet proposent aux ouvrières travaillant à domicile de réparer 10 000 sacs contenant de la laine, pour 0,60 F par sac (30 sacs par semaine), les aiguilles et la ficelle étant à leur charge.

Enfin, la Compagnie française de métaux de Castelsarrasin offre du travail aux réfugiées ouvrières aux conditions suivantes : travail de jour à 1,75 F et de nuit à 2,50 F avec prime d’assiduité de 0,15 F par jour et une prime de guerre de 10% sur le salaire mensuel.

Vie municipale
Le 29 mars paraît dans L’Express du Midi l’information selon laquelle des femmes sont employées de tramway : "ce matin mercredi, les Toulousains assisteront à une agréable inauguration de la Compagnie des tramways. Des femmes remplaceront sur un certain nombre de tramways les receveurs, de jeunes gamins dont l’administration et le public n’étaient pas toujours satisfaits". La centaine de femmes, qui prennent place sur les plates-formes, ont répondu à la demande du directeur Firmin Pons. Elles portent une tenue spéciale composée d’un bonnet bleu de police à lisière rouge, d’un brassard bleu avec les initiales O. T. et d’une sacoche.

Dans cette même ville, "en raison des événements", le maire interdit à toute personne masquée ou travestie pour le Mardi Gras, de circuler sur la voie publique. Il interdit aussi les défilés dans les rues, les exhibitions au Cours Dillon et la noyade de "Carnaval" sur la Garonne. Comme lui, d’autres maires ainsi que quelques préfets prennent les mêmes décisions.

L’autorité préfectorale du Tarn autorise du 8 mars au 1er avril, les propriétaires à chasser les lapins trop nombreux qui font de gros dégâts. Les jeudis et dimanches, les chasseurs mandatés pourront également détruire les nuisibles suivants : sangliers, renards mais aussi blaireaux, fouines, aigles, faucons, corbeaux, corneilles, pies, et geais.

Quant au ravitaillement, le charbon manque à Albi et les prix s’envolent. L’augmentation significative des frais de construction est due à la rareté de la main-d’œuvre et à la cherté des matériaux. Le prix du sucre passe de 0,60 F le kg en août 1914 à 1,25 F en mars 1916 et les habitants dénoncent les profits de la Société des Raffineries et Sucreries Say qui se sont envolés sur la même période de 2 millions à plus de 6 millions.

Face à l’augmentation du prix du blé, monsieur Chabanon, minotier à Auch, annonce qu’il cesse son activité et ferme son moulin car le prix réglementé de la farine par la ville d’Auch, de 30,80 F, n’est plus rémunérateur. C’est également le sens de la protestation des coiffeurs de Castres qui ferment boutique du samedi 15 au lundi suivant : "vu la cherté des produits", ils décident d’augmenter leurs prix.

Pourtant les autorités s’activent : parce que le prix des pommes de terre est en hausse, l’Intendance de l’armée est chargée de négocier avec les pays susceptibles d’en fournir. Les pommes de terre seront vendues sans bénéfice aux négociants qui devront modérer leurs marges avec les détaillants. Afin d’assurer le ravitaillement de Toulouse, la municipalité achète, le 26 mars, pour 1 millions de F de blé au toulousain M. Potel qu’elle s’engage à payer au maximum 33 F, au fur et à mesure des livraisons.

Les difficultés d’approvisionnement touchent également Réalmont (82) : l’éclairage public est suspendu jusqu’à nouvel ordre car le carbure de calcium est réquisitionné. À Castelnaudary les habitants se plaignent du mauvais entretien des horloges de la ville : depuis la mobilisation de l’horloger, elles indiquent des heures fantaisistes et les cloches sonnent les heures de manière irrégulière.

Par ailleurs, les règles d’hygiène publique sont difficiles à appliquer et les menaces de contrôle bien dérisoires. Les déversements dans les fossés sont interdits mais la surveillance des contrôleurs, peu nombreux, s’avère inefficace. Même le préfet de la Haute-Garonne, lorsqu’il informe les maires qu’une concentration des troupes dans la commune impose des mesures d’hygiène indispensables et que la règlementation de la prostitution doit être appliquée "avec la plus grande rigueur", sait que faute de contrôleurs, il a peu de chances d’être entendu.

Dans cette période morose, de bonnes nouvelles apparaissent : les travaux de l’école des Fontaines de Saint-Cyprien à Toulouse débutent le 8 mars et le pont de Très-Casses à Castesarrasin est réceptionné par la municipalité. Construit d’après le système Gisclard, il sera mis en circulation les jours prochains après les essais de charge. Autre bonne nouvelle, la compagnie d’assurances générale accorde une gratification de 100 F aux militaires du 76e R. I. qui ont apporté un secours et une aide efficaces lors de l’incendie de la maison Théron, place de la République à Toulouse. Dans cette ville, deux crèches municipales ouvrent le 1er mars, l’une à Saint-Michel, la deuxième aux Amidonniers. Les enfants sont admis tous les jours sauf les samedis et dimanches, de 7 h 30 à 19 h, pour 0,10 F chacun.

Pont de très-Casses à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne).
Pont de très-Casses à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne), © Collection-cartespostales.com
TItre
Avril 1916
Corps

La fourragère créée le 21 avril 1916 par l’État récompense les actions d’éclat des régiments et unités de l’armée. Tressée de rouge et vert, elle est portée sur l’épaule gauche du soldat. Le ministère de la Guerre décide également de distinguer d’un chevron en forme de V renversé les militaires qui ont passé un certain temps aux armées ou qui ont été blessés : le chevron porté au bras gauche est attribué par année de présence puis pour chaque période de six mois. Celui porté au bras droit est ajouté pour chaque blessure.

Décorations et fourragère du soldat de Galey (09).
Décorations et fourragère du soldat de Galey (09), © Région Occitanie

Main d’œuvre
La main-d’œuvre manque cruellement dans tous les secteurs de la vie quotidienne et deux, l’agriculture et l’industrie, essentiels au pays, ressentent plus particulièrement cette pénurie.

Agriculture
Dans l’agriculture, de nombreuses mesures sont prises pour pallier ce manque. Des registres sont ouverts dans les mairies de chefs-lieux de canton afin de mettre en relation ceux qui offrent du travail et ceux qui en demandent. Les permissions agricoles sont facilitées et la seule pièce à produire à toute demande est le certificat du maire attestant que le demandeur exerce une profession agricole. Le maire de Gaillac informe les propriétaires que l’autorité militaire met à leur disposition des soldats du dépôt d’Albi pour 2 F par jour avec nourriture, logement et transport.

Le préfet de l’Aveyron propose des prisonniers de guerre pour les travaux agricoles aux maires en relation avec les Comités d’action agricole. Les prisonniers seront par équipes de 20, gardés par des militaires, à charge pour les communes d’assurer leur logement et pour les employeurs de les nourrir et de les payer (0.40 à 0.60 F par jour selon le travail fourni). La commune ou les employeurs prennent en charge la nourriture des militaires et seront remboursés par l’armée de 1,05F par jour et par homme.

Les femmes, enfants et vieillards sont également mis à contribution et "exécutent avec courage et vaillance les travaux préparatoires pour les semailles et plantations de printemps". À Carcassonne, le 7 avril, un concours de greffage réservé aux seules femmes et enfants est organisé au domaine de Laconte propriété de monsieur Malric dans le but de renforcer les motivations de chacun.

Le préfet du Tarn va jusqu’à proposer des blessés des hôpitaux de physiothérapie aux agriculteurs du département pour qu’ils les embauchent à condition qu’il "ne leur soit pas demandé du travail au-dessus de leurs forces ou de leur capacité physique".

Même un des éléphants du cirque Pinder de passage à Montauban, est attelé à une charrue et employé au labourage sur la propriété de monsieur Dubois-Godin.

Carte postale montrant un éléphant participant aux labours.
Carte postale montrant un éléphant participant aux labours, © http://hippotese.free.fr

Enfin, le directeur des services départementaux agricoles de l’Ariège demande aux agriculteurs de cultiver des pommes de terre sur les parcelles qui n’ont pas été ensemencées de céréales. Dans les cantons de plaine, il préconise les haricots et le maïs "culture si rémunératrice".

Industrie
Le 13 avril, 50 kabyles arrivent à Pamiers pour travailler aux usines métallurgiques. Ils sont alors logés à l’ancienne chapelle de l’ex-couvent Sainte-Ursule. Une semaine plus tard, le "Lotus", paquebot des Messageries Maritimes, arrive à Marseille avec 1 466 ouvriers annamites : ils seront utilisés dans les usines de guerre.

Les travailleurs coloniaux vietnamiens à l'arsenal de Tarbes 1916.
Les travailleurs coloniaux vietnamiens à l'arsenal de Tarbes 1916, © Collection BDIC

Un appel est également lancé à toutes les personnes, hommes non mobilisables, femmes, enfants, vieillards, réfugiés mais aussi mutilés, blessés, réformés, convalescents qui désirent travailler pour la défense nationale. Ils doivent se faire connaître au bureau de placement gratuit.

Les centres d’hospitalisation toulousains  sont pris en exemple car à l’initiative du docteur Pros-Maréchal, directeur du service sanitaire de la 17e région militaire, la nôtre, les blessés travaillent "chacun d’après ses moyens" là où ils sont soignés. "L’initiative [produisant] dans cette ville une économie de plus de 10 000 F", le ministre de la Guerre approuve cette mesure qu’il souhaite étendre à la France.

Même les mutilés de guerre sont mis à contribution car leur recrutement expérimental pour les usines "s’avérant être un succès", il est étendu à toute la production sur des postes adaptés.

Approvisionnement
L’approvisionnent rencontre de plus en plus de difficultés. Face à la crise de la pomme de terre, le gouvernement en obtient 60 000 tonnes de l’Italie, le 13 avril, pour mettre fin au mouvement de spéculation.

Parce que le transport de combustibles est essentiel à l’armée, la commission du réseau du Midi supprime de nombreux trains de voyageurs et mécontente les clients qui apprennent par ailleurs les bons résultats de la "Compagnie des chemins de fer du Midi" : les recettes de 1915 sont supérieures de 6 millions de francs à celles de 1914, augmentation due à l’importance du trafic qui se développe avec les industries travaillant pour la défense nationale.

C’est également à cause des réquisitions de l’armée que des marchandises comme le vin, deviennent de plus en plus chères. Elle avait pourtant essayé de remplacer le vin par le cidre mais le comité d’hygiène a porté un avis contradictoire.

Quelques initiatives sont en conséquence prises : par exemple, le 22 avril, à cause de l’augmentation du prix des denrées de toute nature, le conseil d’administration de la société de Commentry-Fourchambault, décide d’allouer une prime mensuelle de 10 F aux ouvriers, 8 F aux femmes et 5 F aux enfants âgés de moins de 16 ans travaillant dans les différents chantiers des mines et usines de Decazeville. Cette prime sera payée aux blessés et malades et sera supprimée trois mois après la cessation des hostilités.

L’État légifère enfin et règlemente les prix des denrées suivantes "pour les hostilités et trois mois après leur fin" : sucre, café, huiles, huile et essence de pétrole, pommes de terre, margarine, lait, graisses alimentaires, huiles comestibles, légumes secs, engrais commerciaux, sulfate de cuivre et soufre. Un comité consultatif est institué dans chaque département et les commerçants sont tenus d’afficher les prix fixés par le préfet. Le blé, la farine et le pain sont soumis à la loi du 16 octobre 1915.

Enfin, la loi sur le prix de vente maximum des charbons est publiée.

La Victoire
"Le devoir de chacun est de hâter la Victoire" : c’est la raison pour laquelle les Français sont incités à échanger leur or contre des billets de banque et à souscrire aux bons de la défense nationale. La Banque de France décide de délivrer un nouveau certificat (reproduit ci-dessus) donné à la demande des intéressés. Il constitue un témoignage de civisme.

Bon de la Défense nationale.
Bon de la Défense nationale, © Archives Aveyron.fr, conseil départemental de l’Aveyron, Le Narrateur, hebdomadaire paraissant le samedi

Culture
Le musée Ingres, à Montauban, reçoit le 1er avril, au décès des époux Cambon, une collection d’œuvres d’art léguée par Gustave Cambon ancien notaire. La collection se compose essentiellement de meubles, d’objets d’art ou bien d’œuvres peintes ou dessinées par son frère Armand élève d’Ingres. 10 000 F également donnés doivent couvrir les frais de déménagement et d’installation de la maison personnelle, au musée.

Par ailleurs, le 6 avril, Georges Champenois de Paris reçoit la Violette d’or de l’académie des Jeux Floraux pour son poème : "la résurrection". Deux Fleurs d’argent sont décernées à madame Jeanne Marvig de Toulouse pour les "Tisserands de la Gloire" et à Max Bégouen de Montesquieu-Avantès (09) pour "Quelques poèmes".

Affaires
Jean Couronne, industriel toulousain, est accusé d’avoir fourni aux armées des obus défectueux maquillés de façon à tromper les contrôleurs : il est puni à 6 mois de prison et 5 F d’amende.

C’est également en avril qu’est jugée l’affaire du Saut-du-Tarn à Saint-Juéry : le directeur de l’usine du Saut-du-Tarn aurait obtenu grâce à ses relations l’avancement espéré par le contrôleur du ministère chargé de vérifier et d’accepter la production. Touchant 200 F par mois de pot-de-vin, le contrôleur de l’État aurait été moins vigilant ce qui aurait facilité la fabrication et la livraison des obus. L’usine accusait alors de forts retards et risquait de perdre ce marché juteux. L’affaire a été découverte grâce à la photographie d’une lettre manuscrite écrite par le directeur et envoyée au capitaine d’artillerie qui dirigeait le contrôle. Le 16 avril, le directeur de l’usine est condamné à 16 F d’amende, les prévenus sont acquittés par le conseil de guerre.

En revanche, l’industriel de Graulhet qui avait utilisé de faux tampons sur des peaux qu’il livrait aux armées, est condamné le 19 avril, à 3 mois de prison et 100 F d’amende, bénéficiant de circonstances atténuantes.

Bonnes œuvres
Un corps d’infirmières temporaires est créé. Il est destiné à coopérer avec les infirmières de la Croix Rouge pour les blessés de l’armée : seules sont admises les femmes françaises âgées de plus de 21 ans "de moralité irréprochable, de santé robuste, possédant les connaissances requises pour coopérer au service hospitalier". Pour toute la durée de la guerre et six mois après, logées et nourries, elles toucheront une indemnité de 889 F à 1 354 F par an selon qu’elles seront stagiaire ou titulaires et une indemnité de 100 F pour l’habillement.

Et comme tous les mois, une nouvelle œuvre est créée, celle des orphelins de mère et dont le père est aux armées.

En parallèle, les départements s’organisent comme celui du Tarn-et-Garonne qui a le projet de créer un comité départemental des œuvres de guerre chargé de venir en aide en particulier aux tuberculeux, aux orphelins et aux mutilés.

Vie municipale
Les enfants sont en congés scolaires de Pâques du mercredi 19 avril au lundi matin 1er mai. Désœuvrés, quelques-uns sont probablement les auteurs du nombre important d’isolateurs en porcelaine ou en verre fixés sur les poteaux télégraphiques qui ont été brisés par des jets de pierres. La direction des Postes de Carcassonne a déposé plainte à la gendarmerie et espère des résultats car les enfants qui ont brisé les isolateurs de la ligne de Carmaux ont, eux, été arrêtés.

Les "petits locataires toulousains" se constituent en comité d’action de défense car ils s’opposent aux augmentations de loyers qu’ils jugent excessives de la part de leurs propriétaires.

D’autres toulousains se plaignent du manque d’eau, en hiver à partir de 22 h puis en avril de 11 à 19 h et de 22 h au lendemain matin. La mairie informe des nombreuses réparations à envisager et de l’absence d’agents, mobilisés.

D’autres habitants encore réclament la reprise des travaux de construction de l’hôpital urbain de Toulouse-Purpan : les travaux arrêtés depuis août 1914, les deux bâtiments en partie élevés se dégradent de jour en jour.

À Auch, la municipalité demande aux auscitains de réduire leur consommation de gaz et de charbon et montre l’exemple en supprimant 160 lanternes à partir de 23 h. Condom, également dans le Gers, décide de réduire de moitié son éclairage.

Aussi, lorsque 600 soldats du 76e régiment d’infanterie viennent le 22 avril à Villefranche-de-Rouergue parfaire leur formation, sont-ils accueillis en grande pompe par les autorités locales et les élèves de toutes les écoles de la ville. Leur arrivée est synonyme de ressources nouvelles pour une grande majorité des commerçants.

Les soldats
Les nombreux convois de blessés qui arrivent en région, Auch, Toulouse, Carcassonne, Montpellier, Foix, Saint-Girons, Montauban… témoignent des durs combats qui se déroulent à la bataille de Verdun et des pertes subies.

Aussi, est-on heureux d’apprendre qu’un soldat albigeois du 96e régiment d’infanterie, prisonnier depuis le 31 août 1914 à Friedrichsfeld (Allemagne), a réussi son évasion le 18 mars 1916 avec six autres camarades. Ils ne marchaient que la nuit et, par prudence, se séparèrent en deux groupes. Avec deux autres compagnons il arriva aux Pays-Bas et se présenta au consul français. Rapatriés en France, les trois compagnons se reposent, notre soldat chez ses parents à Albi.

C’est également en avril que le préfet de l’Ariège remercie les propriétaires qui ont donné plus de 80 chiens de bergers adressés à la société pour l’amélioration de la race canine qui les dressera et les enverra au front comme chiens de guerre : ils accompagneront les patrouilles, serviront d’agents de liaison, aideront à la découverte de blessés…

TItre
Mai 1916
Corps

Le 17 mai 1916, un nouvel avion de chasse français développé par Gustave Delage (société Nieuport) est mis en service, le "Nieuport 17".

Le Nieuport 17, avion de chasse biplan français est mis en service en mars 1916.
Le Nieuport 17, avion de chasse biplan français est mis en service en mars 1916, © Wikipedia.org 

Le général Joseph Galliéni, ministre de la Guerre jusqu’à sa démission le 10 mars 1916, décède le 27 mai. Originaire de l’actuelle région Occitanie, il est né à Saint-Béat (Haute-Garonne) le 24 avril 1849. Il reçoit des funérailles nationales et sera élevé maréchal de France à titre posthume le 7 mai 1921.

Agriculture
Les permissions agricoles accordées aux soldats pour fenaisons étant nombreuses, les autorités soupçonnent les abus de certains maires. Pour éviter tout certificat de complaisance, les ministres de la Guerre et de l’Agriculture décident que ces documents devront être contresignés par le vice-président du comité d’action agricole. Les listes établies en mairies seront ensuite envoyées chaque semaine aux préfets qui les adresseront à l’officier membre de la commission départementale de la main d’œuvre agricole. Les brigades de gendarmerie locales sont chargées des contrôles.

Pour rentrer plus rapidement les récoltes, une main-d’œuvre étrangère composée d’ouvriers annamites ou d’ouvriers agricoles "indigènes de l’Afrique du Nord", est mise à disposition des départements comme dans le Gers ou le Tarn-et-Garonne.

L’État encourage également la motoculture et les essais concluants qui se sont déroulés en Haute-Garonne incitent à la création, début mai, du syndicat d’encouragement de motoculture du département. Malheureusement la formation ne suit probablement pas car les accidents de machine agricole se multiplient comme à Vic-Fezensac (Gers) le 25 mai.

Toujours dans le but "d’augmenter et d’améliorer l’alimentation des familles modestes en même temps que celle de nos soldats", le ministre de l’Agriculture demande aux préfets de développer les jardins et les petits élevages (volailles, lapins, porcs et chèvres) en s’appuyant sur les comités d’action agricole, les sociétés et les syndicats agricoles.

Culture
Toulouse abrite depuis août 1914 les collections nationales composées de sculptures, tapisseries, meubles, dessins… Aussi, les autorités décident-elles d’en exposer une partie dans la grande salle du musée des Augustins, rue d’Alsace.

C’est également à Toulouse, au théâtre des Nouveautés, que le grand chanteur français Paul Dalbret (1876-1927) organise un spectacle pour les blessés et convalescents des hôpitaux de la ville. Gazé en 1915, l’artiste est depuis réformé définitivement.

Paul Dalbret, affiche du début des années 1920.
Paul Dalbret, affiche du début des années 1920, © Wikipedia.org

Économie
L’impôt sur le revenu étant prélevé pour la première fois, le Tarn-et-Garonne indique le 23 mai qu’il concerne 355 déclarants dans le département pour un total de 3 983 755 F et 666 déclarants pour un revenu inférieur au taux imposable.

Quant à la fixation des prix de certains produits, l’État informe des raisons de sa décision : réprimer les spéculations illicites ayant pour but de fausser les cours, ramener les bénéfices à un taux normal et remédier soit par voie de réquisition soit par des achats à l’amiable aux dissimulations de marchandises ou aux insuffisances constatées dans l’approvisionnement des communes. Par exemple, les avoines grises ou noires de bonne qualité sont au prix unique de 31 F par 100 kg sur l’ensemble du territoire. Parfois, les prix sont décidés localement : le préfet de l’Aude fixe ceux du pétrole à 39 F l’hl et de l’essence à 64,50 F l’hl alors qu’à Rodez, le pétrole coûte 40,75 F et l’essence 68 F l’hl.

Événements
Madame Dieulafoy, exploratrice, anthropologue, femme de lettres, décède le 25 mai 1916 à Pompertuzat (31) : Jeanne-Paule-Henriette-Rachel Magre, épouse Dieulafoy, née à Toulouse le 29 juin 1851, s’était mariée avec Marcel Dieulafoy le 11 mai 1870. Elle avait alors participé aux campagnes archéologiques en France de son mari. C’est depuis cette époque qu’elle revêtait le costume masculin, avec l’autorisation exceptionnelle de la préfecture de Paris. Puis elle avait visité la côte marocaine, l’Égypte et avait participé aux découvertes entre 1881 et 1886 des palais achéménides de Suse. Ella avait installé au Louvre les salles qui porteront son nom. Puis elle recevra la Légion d’honneur et se consacrera à l’exploration artistique et archéologique de l’Espagne et du Portugal. En 1914, monsieur Dieulafoy fut envoyé au Maroc comme lieutenant-colonel du génie et elle le suivit. Elle y contracta une maladie qui vient de la terrasser. Son nom est porté sur le monument aux morts de Pompertuzat (31) depuis 1922.

Jeane Dieulafoy.
Jeanne Dieulafoy, © Wikipedia.org

À la fin du mois, un comité s’est constitué à Belfort pour l’érection à Jonchéry (Haut-Rhin) d’un monument au caporal Peugeot, première victime de la guerre, tué dans cette localité par une patrouille allemande le dimanche 2 août 1914 à 10 h, à la veille de la déclaration de guerre. Un appel aux dons est lancé pour un monument qui sera inauguré en 1922.

Les blessés et les mutilés
Les blessés arrivent toujours en grand nombre dans les hôpitaux de la région. Aussi, les initiatives locales sont-elles nombreuses : le conseil général de l’Ariège décide de louer le château de Bénac pour installer un hôpital destiné à recevoir les militaires tuberculeux. Il vote également la somme de 7 000 F pour créer une annexe à la ferme école de Royat destinée à recevoir à titre gratuit les mutilés de la guerre. À Ondes, une section spéciale de rééducation des militaires agricoles mutilés est accueillie à l’école régionale d’agriculture et dans l’Aveyron, à Saint-Pierre, une école de rééducation pour mutilés est créée au Petit séminaire. Les hôpitaux embauchent en conséquence comme à Albi où des emplois de bureaux, aux cuisines, à la lingerie… sont proposés, aux femmes essentiellement.

Le 25 mai, l’État décide la suppression des centres de chirurgie orthopédique et leur remplacement par de "grands centres" dans lesquels seront réunies toutes les ressources en locaux, matériel et personnel. Ces centres doivent être bien desservis par des voies ferrées et bien placés dans les capitales régionales.

Conseils généraux
Le nouveau pont de la Poudrerie, à Toulouse, conduisant directement du chemin de Lacroix-Falgarde à l’usine de coton-poudre, doit être ouvert mardi 1er mai à la circulation. Suite au développement de ce secteur, il est envisagé le déplacement de l’asile de Baraqueville (plus de 1 200 malades) car les conditions sanitaires ne sont plus respectées.

Autre conséquence, afin d’éviter toute inondation de l’île d’Empalot sur laquelle est située la nouvelle cité de la Poudrerie, le conseil général de la Haute-Garonne envisage de détruire l’actuel Pont-Neuf et l’Hôtel-Dieu à Toulouse ce qui permettrait d’élargir le lit de la Garonne. Un nouveau pont est projeté dans le prolongement de la rue Jean Suau. L’ingénieur département prévient que dans le cas où la démolition n’est pas acceptée, il faudrait prolonger le Pont-Neuf, rive gauche, par une arche "de ciment armé". La société archéologique du Midi de la France proteste car l’ouvrage d’art date de 1632 et est l’œuvre de Nicolas Bachelier et les Toulousains pétitionnent contre le projet d’un coût de 10 millions de francs.

La passerelle et le pont d'Empalot à Toulouse, carte postale.
La passerelle et le pont d'Empalot à Toulouse, carte postale, © Région Occitanie

Les conseils généraux tiennent leurs sessions en ce mois de mai et celui de la Haute-Garonne, encore, constate que le nombre d’enfants abandonnés a fortement augmenté cette année : en une journée, 11 ont, par exemple, été recueillis. Il souhaite donc le placement de ces enfants à la campagne pour "remédier aux lacunes de la désertion des campagnes et de la main-d’œuvre agricole".

Celui du Gers crée un service du ravitaillement de la population civile à Auch, chargé de toutes les opérations relatives à l’alimentation. Quelques jours après, il vote un crédit de 2 millions de francs pour l’achat de 60 000 quintaux de blé et décide qu’un stock de 6 000 quintaux sera constitué dans les Magasins Généraux à Auch. Il est imité par celui de l’Ariège qui dépose 5 000 quintaux de farine dans un local à Foix pour pallier les besoins de la population.

Quant au département de l’Aude, ses finances étant exsangues, le conseil général décide qu’il n’augmentera pas le salaire des fonctionnaires. Mais reconnaissant la faiblesse de ces salaires, il décide d’accorder aux agents un congé payé de 15 jours au moment des travaux agricoles.

Les prisonniers et les évadés
La construction de la ligne de chemin de fer entre Carmaux et Vindrac a pris du retard car le nombre de prisonniers qui travaille a diminué, passant de 1 070 à 750. Certains ont en effet été transférés pour les travaux agricoles. Les autorités rappellent les conditions d’utilisation de la main-d’œuvre des prisonniers : les groupes ne doivent pas être inférieurs à 20 hommes sauf autorisation, ils doivent toujours être réunis dans le même cantonnement, il ne doit pas y avoir de contact dans la mesure du possible avec la population locale, l’alimentation est assurée par l’employeur qui la fournit aussi à la troupe assurant la garde (il est alors remboursé de 1,23 F par homme et par jour). Si le chantier est éloigné du dépôt, le logement, le chauffage, l’éclairage et la nourriture sont à la charge de l’employeur.

Malgré la surveillance étroite dont ils font l’objet, des prisonniers allemands réussissent parfois à s’évader comme les deux qui ont quitté le dépôt de Diors (Indre). Leur évasion a duré 31 jours. Ils sont arrêtés par les gendarmes à Pailhès (Ariège), à 80 km de la frontière espagnole qu’ils voulaient rejoindre.

Les soldats
Lors d’annonces de décès aux familles, les nouvelles sont parfois fausses ou bien données très tardivement ou encore annoncées sans ménagement. Aussi "afin d’éviter de déplorables incidents" les préfets rappellent aux maires qu’ils doivent communiquer les décès le plus rapidement possible aux familles en "ayant soin d’entourer ces avis de tous les ménagements que nécessitent les circonstances".

Par ailleurs, afin de faciliter les obligations des familles, le ministre de la Guerre décide que les testaments olographes des soldats seront dorénavant, transmis au président du tribunal du domicile du testateur. Ils étaient, jusqu’à présent, déposés aux seules études notariales parisiennes ce qui obligeait les familles à de longs et coûteux déplacements.

TItre
Juin 1916
Corps

En juin 1916, le gouvernement décrète que l’heure légale fixée par la loi du 9 mars 1911 sera avancée de soixante minutes dans la nuit du 14 au 15 juin, pour des raisons économiques, jusqu’au 1er octobre suivant. L’Allemagne l’a fait depuis le 1er mai, le Danemark le 13, suivi par l’Angleterre le 20 puis la Hollande, la Suède et l’Italie.

Carte postale informant du changement d’heure en Allemagne au 1er mai 1916.
Carte postale informant du changement d’heure en Allemagne au 1er mai 1916, © Wikipedia.org

C’est également en juin que les Chambres peuvent se réunir en comité secret. Il suffit qu’au moins cent parlementaires le demandent et proposent un sujet bien précis. Le gouvernement voulant ainsi éviter la tenue publique de certains débats, il n’y aura pas de procès-verbal.

Agriculture
Le pays a un besoin vital de fourrages et les directeurs des services agricoles sillonnent leurs départements pour en faire rentrer le plus possible lors de travaux de fenaison. 
Car, en cette période, les battages battent leur plein et les entrepreneurs bénéficient des sursis accordés aux mécaniciens intervenant sur leurs machines.

Ils profitent de facilités pour s’approvisionner en charbon et voient leurs tarifs en légère augmentation, peut-être en contrepartie de l’obligation qu’ils ont de tenir quotidiennement un carnet de battages. Les entrepreneurs du Sud-Ouest réunis vers le 15 juin en assemblée générale à Montauban décident de porter à 0,60 F l’hectolitre battu de céréales. Ils décident également que les déplacements des batteuses seront effectués à partir de 15 F donc que tout propriétaire de gerbier qui ne rendrait pas 25 hl devra payer le minimum de 15 F.

Il ne faut surtout pas mécontenter les agriculteurs. Aussi, pour faciliter le règlement des réquisitions, des commissions de liquidation des réquisitions sont-elles créées dans tous les départements. Parfois, l’armée réforme ses chevaux : le 17e escadron du train des équipages en vend 33 avec 17 mulets à Montauban le 20 juin. L’adjudication est ouverte aux seuls agriculteurs et éleveurs porteurs d’un certificat du maire de leur commune. Si besoin, les enchères seront ensuite ouvertes à tous.

Armée
L’union vélocipédique de France organise à Toulouse le brevet de cycliste militaire. Les concurrents doivent parcourir un trajet de 50 km en moins de 2h30 avec des bicyclettes plombées et le brevet cycliste doit se dérouler sur la route reliant Toulouse à Montauban. Le 27 juin, sur 86 jeunes inscrits, 75 prennent le départ et 58 obtiennent le brevet. Le premier parcourt le circuit en 1h30. 

D’autres examens militaires sont également organisés comme celui du brevet d’aptitude militaire à Villefranche-de-Rouergue. Le programme, conforme à l’instruction militaire du 7 novembre 1908, est destiné à préparer les jeunes gens dans le meilleur état moral et physique.

Enfin, le conseil général des Basses-Pyrénées remet à la fin du mois trois voitures buanderies au service de santé militaire, équipées de cuves de lessivage, plus un fourgon-étuve avec une essoreuse électrique.

Municipalités
Il devient toujours plus difficile de trouver du sucre dont le prix augmente. Aussi les préfets le fixent-ils à 1,35 F le kg et pour apaiser les inquiétudes, le ministre du commerce informe que le pays s’est rendu acquéreur de 200 000 tonnes. Elles seront transportées en France et réparties entre les 17 ou 18 raffineries du territoire. À Toulouse, la société Épargne annonce qu’elle mettra en vente 60 000 kg de sucre.

Face au problème d’approvisionnement, la réponse de l’administration est de réglementer les prix et, comme le préfet de l’Aude, d’imposer par arrêté l’affichage des prix des denrées sur les étals. Même le papier est touché et devient rare : il coûte alors 55 F les 100 kg ce qui a de grandes conséquences sur la presse qui s’en plaint.

À Montauban, les membres du comité d’action de la ville proposent aux élus locaux de créer un office central de l’alimentation qui serait chargé de réquisitionner les denrées subissant les spéculations.

Mais les municipalités devant gérer, avec des moyens en baisse constante, le quotidien des habitants, elles font de nombreux mécontents. Par exemple, les habitants du quartier Pargaminières, à Toulouse protestent le 10 juin car ils ne reçoivent plus l’eau aux 2e et 3e étages depuis le 7 juin.

Ceux de Castelnaudary se plaignent car, par mesure d’économie, la municipalité ou la direction de l’usine de gaz, a fortement réduit l’éclairage électrique. Certaines rues deviennent de "véritables coupe gorges".

Parfois, comme à Toulouse, les habitants obtiennent gain de cause : un groupement de consommateurs avait assigné la Société Pyrénéenne d’électricité en dommage et intérêt car de fréquentes et longues interruptions d’éclairages étaient constatées. Le juge de paix a condamné la société à 250 F d’amende.

Entre Albi et Gaillac, la confrontation débute : les soldats de la classe 1917 du 15e régiment d’infanterie doivent être transférés à Gaillac car l’état sanitaire de la caserne neuve d’Albi laisse à désirer : la rougeole y sévit à l’état endémique, 247 jeunes soldats sur 891 sont touchés. Bien entendu, les autorités albigeoises ne sont pas d’accord et celles de Gaillac soutiennent la décision.

Main d’œuvre
Pour pallier le manque de main-d’œuvre, le conseil général de l’Ariège annonce la création d’un office départemental de placement gratuit chargé de procurer un emploi aux ouvriers, ouvrières, employés dans tous les domaines commerce, industrie, agriculture… Il est également chargé du recrutement de la main-d’œuvre nécessaire à la bonne marche des entreprises.

Poursuivant le même objectif, le gouvernement approuve la formation "d’un bataillon de 1 000 manœuvres noirs pour travailler dans les ports français". Mais la main-d’œuvre étrangère est considérée comme "suspecte".

Aussi, les préfets rappellent-ils que tout travailleur étranger et tout travailleur colonial devra être pourvu d’une carte d’identité ou de circulation de couleur verte pour les ouvriers de commerce ou d’industrie, de couleur chamois pour les ouvriers agricoles. Ils devront se présenter avant le 3 juillet prochain munis de leur extrait d’immatriculation et d’une photo.

À Mazamet, devant la pénurie de main-d’œuvre, l’usine de gaz locale qui recherche des ouvriers chauffeurs et aides-chauffeurs, précise que les salaires seront majorés. C’est parce qu’elles réclament une augmentation de 0,20 à 0,25 F par journée de travail qu’une cinquantaine d’ouvrières des fabriques de tissage Lacombe et Cahuzac se sont mises en grève à Albi.

Quant aux maires du Gers, le préfet leur demande de mettre les habitants du pays et les réfugiés aux travaux des champs. Il précise que ceux qui refuseraient n’auront plus droit aux allocations. À Condom, la municipalité utilise les prisonniers de guerre pour le nettoyage des rues et des places et à des travaux de terrassement en plus de travaux agricoles.

Mémoire
Au début de juin, Lectoure décide l’achat de trois tableaux d’honneur pour inscrire le nom des enfants de la commune morts au champ d’honneur. Et la petite commune de Mont-de-Galié (Haute-Garonne), apprend le décès d’Edmond Fontan, mort au combat le 13 mai dernier : son nom sera porté à la fin de la guerre sur la cloche dédiée aux sept morts de la commune.

Mont-de-Galié (31), cloche des morts de la Grande Guerre.
Mont-de-Galié (31), cloche des morts de la Grande Guerre, © Région Occitanie

Les mutilés
Avec l’appui de l’inspecteur des Forges de Toulouse, de nombreux mutilés (201) sont occupés dans les 14 usines ou ateliers de Toulouse notamment à la Poudrerie nationale, aux ferronneries du Midi (fabrique d’obus, de caissons…). . Ils sont utilisés sur des machines à percer, à la peinture, au taraudage, au montage de caisses à munition, au triage de la poudre à fusils et à canon et à divers travaux de bureau. Ils travaillent en équipes, de 6 h à 11 h ou de 13 h à 17 h et leur rendement moyen est estimé au ¾ du rendement normal.

Poudrerie de Toulouse, femmes manipulant des alambics.
Poudrerie de Toulouse, femmes manipulant des alambics, © Ville de Toulouse, archives municipales, cote 16Fi 22/71

Bonnes œuvres
Le Comité des Œuvres de guerre a reconstitué au Parc Toulousain un "modèle exact de […] tranchées modernes". L’inauguration a lieu le 1er juin en présence des hautes autorités du département qui peuvent voir des tranchées "dites de première ligne avec deux postes de guetteurs avec réseau de fil de fer et [d’]un poste d’écoute souterrain". Puis elles visitent les tranchées de soutien avec lesquelles les communications se font par des boyaux. Les tranchées sont munies d’abris cavernes, d’abris de mitrailleuses, d’abris de munitions et elles sont armées de crapouillots, canons de tranchées, lance-bombes. Au-delà des tranchées, le réduit circulaire qui a été aménagé, constitue un ouvrage de résistance muni d’un poste de commandement et d’abris divers. À proximité ont été placés deux canons allemands de 77 et un obusier. Les tranchées sont visibles tous les jours et le prix de la visite est fixé à 0,25 F par personne et 0,15 F pour les enfants. L’exposition remporte un franc succès car on compte plus de 7 000 visiteurs au 9 juin.

À Albi, deux gros canons, un crapouillot, un lance-grenades et un lance-bombes pris aux Allemands, sont arrivés le 17 juin et sont depuis exposés sur la place publique.

Et l’intervention des œuvres continue au quotidien. Elles sont toujours à la recherche de financements, organisant la "journée serbe" le 25 juin, des tombolas, des matinées récréatives, des spectacles… Les "brosses souvenir" sont vendues par l’école-atelier des soldats aveugles à Toulouse au prix de 2 F.

Journée « serbe » : Affiche de la Première Guerre mondiale, publiée à Paris en 1916.
Journée « serbe » : Affiche de la Première Guerre mondiale, publiée à Paris en 1916, © Bibliothèque numérique mondiale, www.wdl.org

Les "maisons du soldat" qui reçoivent tous les permissionnaires des pays envahis demandent, comme le directeur de celle de Toulouse située 10, rue Honest, des dons de literie (draps, couvertures, sommiers…) mais aussi des bols de déjeuner, de la vaisselle, des appareils de chauffage…

Il rappelle que les permissionnaires reçoivent également un peu d’argent à leur départ.

Nos prisonniers
À partir du 5 juin, le gouvernement interdit aux œuvres d’assistance et aux familles d’envoyer des colis individuels de pain ou de biscuits aux prisonniers français en Allemagne. Ces envois seront dorénavant faits collectivement par la "Fédération nationale d’assistance aux Prisonniers de guerre", militaires ou civils, et adressés aux sociétés de secours mutuels. Il incombe à ces dernières de répartir le contenu à raison de 2 kg par homme et par semaine. Les parents ou œuvres peuvent envoyer d’autres colis sans pain.

Les soldats
Le ministère de la Guerre décide d’accorder des permissions pour évènement grave, le décès de parents proches ou une maladie grave de ceux-ci. Elles doivent être accordées même dans le cas où le militaire, n’ayant pas été prévenu à temps, doit prendre des dispositions urgentes rendues nécessaires par le décès.

Les permissionnaires de notre région pourront bénéficier du train express de nuit créé à la fin du mois. Il partira tous les soirs de Paris à 22h05 et arrivera à Toulouse à 9h35. 

TItre
Juillet 1916
Corps

Offensive anglo-française, la bataille de la Somme débute le 1er juillet 1916. Elle est considérée comme l’une des batailles les plus meurtrières de la Grande Guerre.

Offensive anglaise de la Somme.
Offensive anglaise de la Somme, [photographie de presse] / [Agence Rol], © Gallica.fr

Le 1er juillet, la loi sur la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre est publiée. Le gouvernement, ayant pris conscience de l’importance des bénéfices réalisés par les industriels titulaires de marchés de guerre, en impose une partie – celle à partir de 5000 F - en comparant ces bénéfices avec ceux des années 1911, 1912 et 1913.

Le 5 juillet le premier numéro du "Canard Enchaîné", hebdomadaire satirique français, paraît après un premier départ infructueux en septembre 1915.

Le premier numéro du "Canard Enchaîné", © https://publictionnaire.huma-num.fr/

14 juillet
Dès le début du mois, les différentes autorités informent que toutes les manifestations présentant un caractère de réjouissances publiques tels les bals, banquets, illuminations et feux d’artifice sont interdites pour le 14 juillet. Comme en 1915, les principaux monuments devront être pavoisés aux couleurs des Alliés. Mais cette année apparaît une nouveauté. Lors de la fête, un diplôme d’honneur, provisoire en l’attente du diplôme définitif, sera offert aux familles des soldats morts conformément à la loi du 27 avril 1916.

Diplôme provisoire.
Diplôme provisoire, © Archives départementales de l’Ariège, cote 2 Z 245 

À Toulouse, les édifices publics sont pavoisés et la première pierre d’un monument aux Toulousains morts pour la France est posée au cimetière de Terre-Cabade. La journée débute à 9 h par la revue des troupes sur les allées Saint-Michel puis des diplômes d’honneur sont remis officiellement aux familles. Parce que la loi est récente, que l’impression sur cuivre prend du temps et que les "morts pour la France" sont nombreux, le préfet précise que seules les familles dont le militaire est mort avant le 20 septembre 1914, recevront les diplômes. Pour respecter les délais, un diplôme provisoire est, dans un premier temps donné. Il sera rapidement suivi du diplôme définitif. À 14h, une représentation au Théâtre de la Nature (au Ramier) est offerte par la ville aux militaires blessés, suivie de 15 à 18h par le concert donné au Parc Toulousain. Toute la journée, des quêtes sont faites en faveur de "l’œuvre des orphelins toulousains de la Guerre". La commune donne à chaque blessé et chaque malade un demi-litre de vin blanc de Salignac (Gironde), des pâtisseries et des cigares et améliore le menu des Fourneaux économiques avec une distribution de vin supplémentaire.

Les premiers diplômes définitifs, œuvre de Charles Coppier qui a reproduit "La Marseillaise", groupe sculpté par Rude et situé sur l’Arc-de-Triomphe à Paris, sont distribués vers la fin du mois dans les villes de la région, Foix par le préfet, Montauban, Cahors… À Ax-les-Thermes, c’est dans la grande salle de théâtre du casino qu’ils sont remis. Le premier diplôme définitif porte le nom du premier soldat français mort, le caporal Peugeot.

Diplôme définitif.
Diplôme définitif, © Région Occitanie

Agriculture
Le besoin de main-d’œuvre est tel que le ministre de la Guerre décide de constituer des équipes agricoles avec les soldats de la classe 1917 n’appartenant pas à l’agriculture. Il accorde en outre de nouveaux sursis et des permissions de quinze jours aux agriculteurs sous les drapeaux. La commission du Tarn de la main-d’œuvre agricole fixe les salaires des travailleurs militaires : les journaliers ordinaires (laboureurs et faneurs) seront payés 2 F par jour, les faucheurs 3 F, les moissonneurs et sulfateurs 4 F et les blessés convalescents 1,50 F par jour, le logement, la nourriture et le voyage en sus.

Mais les agriculteurs se plaignent maintenant de ne pas pouvoir garder leurs salariés. En effet, comme le déplore le syndicat des agriculteurs de l’Aude, de plus en plus de personnes, surtout étrangères, dénoncent leurs contrats de travail en cours pour aller en signer d’autres mieux rémunérés. Les propriétaires et le syndicat demandent des sanctions législatives car ils sont, en l’état, désarmés.

Économie 
En août 1914, le papier coûtait 29 F les 100 kg, en juin 1916 il était à 55 F et en juillet son prix est de 72 F. Les propriétaires de journaux avouent un tirage en forte hausse depuis le début du conflit. Mais même dans ce cas, la diffusion ne compense pas l’augmentation des coûts annexes (encre, façonnage…..). En conséquence, la presse supprime dans un premier temps, les numéros qu’elle distribuait gratuitement.

Les municipalités rencontrent également de nombreuses difficultés : à Mirande (32) le prix du gaz pour l’éclairage de la ville augmente "en raison de la hausse du charbon" et à Rodez (81), la location mensuelle de compteurs de gaz passe à 1,15 F.

Les réclamations sont nombreuses : la chasse étant interdite, les habitants protestent car les dégâts des animaux "nuisibles" sont importants. Aussi, des battues sont-elles organisées pour combattre notamment les renards et les pies comme à Ségoufielle (32).

La crise du sucre n’est toujours pas réglée malgré les annonces des autorités. Aussi, des agriculteurs, réfugiés provenant du Nord, proposent-ils de cultiver la betterave dans notre région.

La vie devenant de plus en plus chère, les habitants se plaignent à chaque hausse comme à Carcassonne lorsque le prix du lait passe de 0,40 à 0,50 F le litre.

Ils se plaignent également du manque de monnaie de billion, problème qui "réapparait" alors qu’il a toujours existé. Lavaur décide d’émettre des billets municipaux de 5 et 10 cts, 200 000 pièces de 5 cts vont être mises en circulation dans le département du Gers et le comité d’Auch, préfecture du Gers, décide de créer une monnaie de guerre composée de jetons en aluminium de 0,05 et 0,25 F. Les habitants d’Ax-les-Thermes se plaignent, eux, des retards qui s’accumulent dans le courrier : en 1915, deux facteurs assuraient les distributions quotidiennes, cette année, il n’y en a plus qu’un.

Faute de moyens, les autorités locales peinent à répondre aux protestations et sont à la recherche de ressources. Comme à Gaillac, elles incitent leurs administrés à régler dans les plus brefs délais, les taxes communales sur les chiens, les prestations, les licences, les gadoues, les pensions collégiales etc… Les autorités rappellent qu’elles peuvent ainsi verser les allocations militaires mensuelles. Villefranche-de-Rouergue indique qu’elles seront versées le vendredi 7 juillet de 8h à 12h, des numéros 1 à 500 à la mairie, des numéros 501 et plus à la recette des finances. La ville précise que les retardataires seront payés à la recette des finances le 21 juillet de 9h à midi.

Enfin, les cafés protestent car la fermeture de 22 h leur paraît tôt et nombreux sont ceux qui, n’ayant pas respecté l’horaire, sont depuis fermés temporairement et administrativement. Aussi, le préfet de la Haute-Garonne fait-il des heureux lorsqu’il autorise l’ouverture de ces commerces jusqu’à 22 h 30.

Affaires
La brigade mobile de Toulouse arrête le 4 juillet une bande de malfaiteurs et met fin à de nombreux vols. Depuis plusieurs semaines des vols de toute nature, argent, linges, montres, effets militaires… étaient constatés dans les divers dépôts militaires du Midi. Les régiments de Saint-Gaudens, Pamiers, Castres, Agen, Cahors, Brive, Limoges… étaient visités par d’audacieux malfaiteurs sur lesquels toutes les recherches étaient demeurées infructueuses. Menant l’enquête, les inspecteurs de la brigade mobile réussirent à obtenir de précieux renseignements qui ont abouti à l’interpellation de six malfaiteurs, tous mobilisés. Quatre d’entre eux étaient recherchés par l’autorité militaire pour délit de désertion. Les six individus portaient des décorations et des insignes de sous-officiers auxquels ils n’avaient pas droit. L’un d’eux facilitait, au moyen de faux-papiers militaires, l’entrée dans les dépôts et les bandits opéraient de nuit de préférence. Lors de leur arrestation, presque tous ont opposé une vive résistance, essayant de se défendre avec des lames de rasoir, des brownings, des coups de poings américains.

Les douaniers sont également à l’honneur car 30 mules et 7 mulets qui allaient être exportés frauduleusement par les Pyrénées ont été abandonnés par sept inconnus qui ont fui devant les fonctionnaires. L’administration a confisqué les bêtes le 10 juillet.

Éducation et culture
En juillet 1916, les examens (certificats d’études, brevets, baccalauréat…) et les différents concours notamment ceux du Conservatoire se déroulent comme l’année précédente. Les distributions de prix comme au collège de Saint-Gaudens le 5 juillet ou au lycée de Foix récompensent les bons élèves. À Gaillac, la présence du sous-préfet et celle du commandant de la place rehaussent la cérémonie du 8 juillet. Les élèves peuvent partir en congés, les vacances scolaires s’étalant du 2 août au 2 octobre.

Par ailleurs, de nombreuses publications concernant la guerre paraissent comme le 9 juillet avec le 8e fascicule de 64 pages, 19 illustrations et 6 cartes de L’histoire générale et anecdotique de la Guerre de 1914. Il est vendu chez Berger-Levrault, éditeurs à Paris au prix de 75 cts. Ce fascicule termine le 1er tome écrit par l’auteur Jean Bernard, tome de 500 pages et plus de 130 documents. Paraît également le pape et l’empereur, les dessous diplomatiques de la Guerre 1914-1916 chez l’éditeur parisien Delandre dont l’auteur est Paul Théodore-Vibert.

Bonnes œuvres
L’œuvre de la "journée serbe" organise en ce début de juillet deux soirées de gala pour la population civile. Le prix des places au théâtre toulousain est de 1,50 F les fauteuils d’orchestre, 1 F les stalles, 0,50 F les parterres et 3,50 F les loges entières : le programme comprend trois pièces, de nombreux morceaux de concert et huit morceaux d’orchestre.

À Narbonne, des trophées de guerre pris à l’ennemi en Champagne sont exposés au profit de tous les hôpitaux de la ville. La visite est à 0,25 F par personne. Quant aux blessés de l’hôpital complémentaire n° 37 d’Eauze (32), ils organisent une matinée pour le 14 juillet et à Montauban, c’est le comité de la presse qui distribue les "douceurs destinées à l’amélioration des repas".

Grâce aux quêtes, concerts, matinées, expositions… les œuvres peuvent financer leurs actions. Celle tarnaise de rééducation professionnelle des mutilés de la guerre informe que 162 mutilés (dont 19 en juin 1916) ont été admis comme pupilles de l’œuvre depuis sa création jusqu’au 30 juin : 79 ont une prothèse et 9 sont en rééducation ou en apprentissage ou placés comme ouvriers. En juin 1916, les appareils de prothèse suivants équipent des mutilés : 2 pilons, 1 gaine pour jambe, 2 bras avec épaulières, 5 avant-bras et un appareil rigide pour la main. Au niveau national, un concours est ouvert pour les inventions et les transformations d’objets nécessaires à la vie des aveugles (montre Braille, jeux de dames en relief, cartes à jouer spéciales…)

Armée
Le 8 juillet, la famille du soldat Fabien, de Cransac (Aveyron), apprend qu’il n’est plus prisonnier de guerre en Allemagne mais qu’il est en Grande-Bretagne. Il a réussi à s’échapper du camp dans lequel il était interné et a pu rejoindre Folkestone (Angleterre) où il a envoyé la bonne nouvelle à ses parents. 

Une deuxième bonne nouvelle arrive : le ministère de la guerre informe que les naissances d’enfants seront dorénavant annoncées aux militaires, aux frais de l’État.

Enfin, le lieutenant-colonel de la place de Montauban demande des bénévoles pour des travaux d’écriture ou autres qui permettront "d’économiser une partie de la main-d’œuvre militaire employée à la caserne" et "de réduire le personnel salarié".

TItre
Août 1916
Corps

La Grande Guerre a débuté il y a exactement 731 jours et le 2 août 1916 est le jour anniversaire.

Le premier centre d’instruction des chars de combat dirigé par Jean-Baptiste Eugène Estienne (1860-1936), le "Père des chars", est créé le 15 août à Marly-le-Roi (Yveline).

Le « père des chars » le général Jean-Baptiste Eugène Estienne.
Le "père des chars" le général Jean-Baptiste Eugène Estienne, © Lecharenfrance.canalblog.com 

Le 27 août, la Roumanie déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie et, le lendemain, l’Italie à l’Allemagne et l’Allemagne à la Roumanie. Le 30 août, l’Empire ottoman rend la pareille à la Roumanie.

Agriculture
En cette période de l’année, lors des battages, les accidents sont fréquents. En 1916, le phénomène prend de l’importance car de nombreuses personnes n’ont pas de formation agricole. À Condom (Gers), les vêtements d’un homme sont happés par la courroie d’une machine : il expire quelques heures plus tard. C’est également le cas à Lincou (Aveyron) avec une jeune fille ou dans d’autres endroits. Confronté au manque de main-d’œuvre et à la recherche d’une meilleure productivité, le gouvernement veut favoriser le développement des syndicats d’encouragement à la motoculture. Comme celui du Tarn, alors en cours de création, ils se multiplient souvent aidés par les compagnies ferroviaires. La compagnie des chemins de fer du Midi alloue le 26 août une prime de 1 000 F au syndicat de Gaillac pour le développement de la culture mécanique de la vigne. La même compagnie accorde une autre prime de 1 000 F, aux "deux constructeurs d’appareils de motoculture et de culture mécanique les plus pratiques" en précisant qu’elle finance également le transport du personnel et des appareils appelés à concourir. Associée cette fois à la compagnie des chemins de fer d’Orléans et à la société d’agriculture de l’Aveyron, la compagnie du Midi participe à la journée de démonstration de motoculture mécanique faite à Rodez en fin de mois.

Le manque de main-d’œuvre se fait également sentir pour les vendanges : par circulaire, le ministre de la Guerre décide la création d’équipes de travailleurs militaires dans les départements viticoles, ainsi que la formation d’équipes de prisonniers de guerre. Pour une période estimée des vendanges, allant du 20 août au 30 septembre, dans l’Hérault par exemple, voire au 10 octobre dans le Gers, les permissions agricoles seront de 20 jours pour ceux qui exercent une profession viticole et de 30 jours pour les tonneliers. L’armée pourra prêter des animaux, chevaux et mulets.

Armée
Le poilu rapporte à chaque permission un vocabulaire particulier : le "perlot" est le tabac, la "perme", la permission, la "juteuse" est la pipe, le "pinard" le vin, la "gnole" l’eau-de-vie, le "jus" le café, les "gaspards" les rats, le "pajot" la couchette de fortune, le "bigorneau" le fantassin etc…

Quant aux autorités militaires, elles décident que la distribution de vin sera portée à ½ litre par poilu. La mesure sera appliquée non pas le 1er septembre mais le 15 août en raison de "la température élevée" de ces jours.

D’autres décisions sont également prises par le ministère : les officiers amputés et handicapés, ayant besoin d’aide, auront droit à un soldat ordonnance. Pour les militaires envoyés dans un centre de rééducation, la circulaire datée du 4 août, de l’office national des mutilés, demande qu’ils soient dirigés vers le centre le plus proche de leur famille. Elle précise que la pension ne peut être réduite ni être invoquée pour diminuer le salaire du mutilé.

Enfin, l’armée utilise de gros ballons d’observation et des avions. Elle met également au point les cerfs-volants d’observation : composés de quatre ou cinq appareils reliés entre eux, ces ensembles sont munis d’instruments enregistreurs qui permettent à un observateur de prendre des photographies en toute sécurité. Ce n’est pas le cas de ces opérateurs du service cinématographique des armées qui filmaient un bombardement au milieu du mois : ils ont été ensevelis par l’explosion d’un gros obus.

Les opérateurs du service cinématographique des armées.
Les opérateurs du service cinématographique des armées, © acp.ecpad.fr

Culture et sport
Le Grand Prix de la Ville de Toulouse va se courir au vélodrome du Bazacle le dimanche 13 août. Seize cyclistes seront en lice puis il y aura une course de tandems suivie d’une course de vitesse pour motos. Le 15 août, la ville organise pour la première fois le "Bol d’or", course de vélo de 100 km disputée habituellement à Paris. Toulouse devient la ville de la bicyclette car après le brevet militaire des 50 km à vélo, l’union vélocipédique de France organise le brevet militaire des 100 km, distance à parcourir en moins de 5 heures pour les jeunes gens des classes 1918 et 1919.

Bonnes œuvres
L’œuvre de "La Cocarde du Souvenir", placée sous le haut patronage du président de la République et sous la présidence d’honneur des présidents du Sénat et de l’Assemblé, se propose de défendre contre l’oubli les noms de nos soldats et de permettre à ceux qui les pleurent de pouvoir retrouver leurs tombes. Elle fait placer sur ces tombes des cocardes tricolores en métal qui portent en caractères indélébiles les quelques indications indispensables. Un comité vient de se constituer depuis le début du mois à Toulouse, à la Chambre de Commerce, pour développer l’œuvre et recevoir les cotisations.

À Carcassonne, une œuvre locale expose des trophées de guerre à l’école du musée dans la ville basse.

Économie
Suite à la crise du papier et de la presse, les députés envisagent de limiter la parution de journaux sur une seule feuille ce que refusent catégoriquement les directeurs. Ils demandent plutôt que le prix du papier soit réglementé comme celui du blé. Quelques propriétaires de quotidiens font également appel avec succès aux dons de leurs lecteurs. Propriétaires et directeurs refusent l’exemple italien : dans ce pays, le gouvernement a décidé que la presse ne paraîtrait pas le dimanche.

Main-d’œuvre
Les annamites arrivés dans la région suscitent la curiosité, du moins celle des habitants d’Auch qui voient avec attention le convoi qui se rend au château de la Mazères. Douze annamites du groupe restent à Auch, six détachés à l’hôpital n°32, six autres au n°14. D’autres étrangers arriveront en fin de mois car on annonce plus de 10 000 ouvriers portugais qui seront employés dans les commerces, les fabriques et les usines.

Par ailleurs, l’effort de formation se poursuit : l’association "l’atelier-école d’apprentissage pour travaux de guerre" informe de l’organisation de cours d’apprentissage et avertit de l’ouverture des inscriptions à toutes les personnes de nationalité française, hommes ou femmes âgés de plus de 15 ans. L’enseignement gratuit porte sur les travaux intéressant la défense nationale (usinage d’obus, gaine-relais, pièces pour mitrailleuses, moyeux etc…). Après quinze jours de formation, les ouvrières et ouvriers seront susceptibles d’être placés dans l’une des usines travaillant pour la défense nationale.

L’atelier école d’apprentissage de Toulouse commencera les cours au 1er septembre. Ils auront lieu à des heures différentes pour les hommes et pour les femmes et le nombre de ces dernières, d’après une récente circulaire ministérielle, "devrait être considérablement augmenté dans les usines travaillant pour la guerre".

Municipalités
À Toulouse, la ville ne peut pas fournir, avec les fortes chaleurs de juillet, la quantité d’eau nécessaire aux habitants qui se plaignent au préfet des nombreuses coupures. Aussi, les autorités locales doivent-elles s’expliquer : elles indiquent que la consommation moyenne de la ville dépasse le maximum d’eau quotidien provenant des filtres de Portet (12 000 m3), source de Clairfont (11 000 m3) et filtres de Braqueville (13 000 m3). La consommation s’est accrue notablement par l’augmentation de la population avec les réfugiés, les nombreuses formations sanitaires (32) qui bénéficient de la gratuité et dont le nombre de blessés a encore augmenté et les industries et les manufactures travaillant pour la Défense nationale. En cette période de sécheresse, la seule solution proposée par les élus est d’éviter les abus et le gaspillage. Mais les habitants rappellent que le problème date de longtemps : "avant la guerre, il y a deux ans, cinq ans, dix ans, l’eau manquait et manque encore en été mais aussi en plein hiver".

En cette période estivale, Montauban informe de l’ouverture de la baignade de Sapiac tous les jours de 5 à 8 h et 18 à 20 h pour les civils et de 15 à 18 h pour les militaires, "caleçon de bain obligatoire".

Afin d’économiser l’eau, Mazamet décide que les neuf lavoirs de la ville seront fermés à tour de rôle pendant le mois d’août et Condom informe que l’approvisionnement de l’eau sera limité aux heures suivantes : 6 à 10 h et de 16 à 20 h.

Les plaintes affluent car à Montauban les rues n’étant plus arrosées, la poussière monte jusqu’aux premiers étages à cause de la circulation automobile.

Les fortes chaleurs du mois ont de graves conséquences, de nombreuses noyades lors de baignades mais aussi plusieurs cas d’insolation notamment chez les agriculteurs.

Le Tarn accueille 658 réfugiés et 385 perçoivent des secours de l’État s’élevant pour juillet à 10 042,80 F. Albi donne l’état sanitaire de la population de la ville avec 341 décès au premier semestre 1916. En moyenne, sur les cinq dernières années, la mortalité était de 275 morts, signe de son augmentation. En revanche, la natalité qui était en moyenne de 180 naissances sur la même période, baisse à 141 mais les mariages sont stables, 22 sur les 6 premiers mois au lieu de 20 au premier semestre de 1915.

Lors de la séance du conseil général du Gers, le conseiller Naples expose les doléances de Condom à qui on a retiré les troupes. Le général en chef de la 17e région militaire a choisi Nérac (Lot-et-Garonne) qui remplit les conditions d’hygiène. Condom obtient en retour la promesse de la création d’un établissement sanitaire pour l’armée. 

Par ailleurs, les écoles sont rendues au fur et à mesure de leur rétrocession par l’armée, à leur première destination, l’instruction. À Foix le service de santé des armées occupe encore le lycée et l’école normale de Montgauzy mais rend l’école primaire supérieure de jeunes filles. Les militaires qu’elle abritait sont dirigés sur les baraquements du champ de foire. C’est le cas dans de nombreuses villes de la région.

C’est également en août que Toulouse organise des classes de vacances ouvertes du vendredi 11 août au jeudi 21 septembre. Elles sont gratuites et sont dans l’intérêt des parents pour ne pas laisser les enfants sans surveillance toute la journée.

Lézignan qui était en contentieux contre la société industrielle locale du gaz, apprend par arrêté du 21 août 1916 que l’entreprise est condamnée en conseil de préfecture. Cette entreprise n’avait pas respecté ses engagements, notamment celui d’installer un nouvel éclairage des rues, places et édifices publics. Elle doit payer à la ville 10 000 F de dommages et intérêts, doit supporter les frais d’instance et doit installer cet éclairage.

Enfin, le conseil municipal de Saint-Béat décide d’ériger un monument en l’honneur du général Galliéni. Le comité constitué des maires et de personnalités du canton nomme présidents d’honneur le préfet de la Haute-Garonne, le docteur Saint-Martin conseiller général et comme vice-présidents, le sous-préfet de Saint-Gaudens et M. Burgalat conseiller d’arrondissement.

TItre
Septembre 1916
Corps

Le 1er septembre 1916, la Bulgarie déclare la guerre à la Roumanie et le 9 suivant, Villefranche-de-Rouergue organise une grande retraite militaire en l’honneur de l’entrée en campagne de la Roumanie. La foule nombreuse suit la fanfare qui joue devant la sous-préfecture puis la maison du maire et sur les symboliques places de la Liberté et Nationale.

Offensive des troupes roumaines en Transylvanie, en 1916.
Offensive des troupes roumaines en Transylvanie, en 1916, © Wikipedia.org

Agriculture
Comme en 1915, la compagnie des chemins de fer d’Orléans accorde le transport à demi-tarif aux ouvriers vendangeurs qui voyagent par groupe d’au moins 5 personnes. Mais cette année, parce qu’on manque de bras, la mesure est étendue aux femmes et aux enfants employés aux vendanges, sur présentation d’un certificat du maire.

Les autorités craignent que "la pénurie de main-d’œuvre risque d’être encore après la guerre donc il faut développer le machinisme". Aussi, les "essais" de motoculture, qui sont en réalité des démonstrations, s’intensifient-ils autour de Toulouse, à Miradoux (32), Castelsarrasin et Montbartier (82), dans l’Ariège, l’Aude… organisés le plus souvent par les syndicats départementaux agricoles.

Les mêmes autorités informent les viticulteurs de l’aide que peut leur offrir la station œnologique de Toulouse. À partir de l’analyse d’échantillons de raisin, elle peut les conseiller "pour faire du bon vin et pour suppléer aux produits œnologiques (bisulfites, acide tartrique…) très rares et onéreux".

Mais tous les agriculteurs se plaignent, en ces temps de récolte, des dégâts dus aux animaux "nuisibles" dont le nombre croît depuis l’interdiction de la chasse. Par exemple, les sangliers se sont régalés avec les blés du Lauragais et la récolte de pommes de terre, à venir, inquiète les agriculteurs qui demandent des battues administratives.

Armée
Le gouvernement incite les jeunes gens de 17 ans à 18 ans à contracter un engagement volontaire pour la durée de la guerre dans la marine nationale : les soldes journalières sont les suivantes : 0,65 F pour un apprenti marin, 0,95 à 1,25 F pour un matelot suivant la classe, 2,15 F pour un quartier-maître et caporal et 3,80 F pour un second maître.

Le gouvernement autorise également les poilus à fumer la pipe dans la rue et surtout à se raser la moustache. En effet, depuis 1832 les soldats ne pouvaient pas se raser la moustache, risquant alors de sévères réprimandes. Seuls les marins n’étaient pas concernés par cette obligation.

Loubens (09), tableau commémoratif de la guerre de 1914-1918.
Loubens (09), tableau commémoratif de la guerre de 1914-1918, © Inventaire général, Région Occitanie

De plus, à partir du 1er octobre prochain, tous les militaires de l’armée de terre pourront bénéficier de trois permissions de 7 jours par an, délais de route non compris, en plus des permissions à titre exceptionnel concernant des événements familiaux. Deux jours supplémentaires sont accordés aux militaires qui obtiennent une citation. Enfin, les pères de quatre enfants et plus, les militaires ayant eu trois frères tués et les veufs avec trois enfants vivants, bénéficient d’un statut à part depuis que le général en chef des armées a demandé aux commandants d’armée de les verser dans des unités non combattantes.

Parmi les militaires français prisonniers, Ernest Pradelles, de Lavaur, soldat au 15e régiment d’infanterie, détenu depuis le 2 novembre 1914 près d’Ypres (Belgique), a été envoyé en Allemagne dans cinq camps différents. Au dernier, au camp de Whan, il était détaché à Bugendor dans une fabrique de paniers en osier pour obus, payé 1,50 F par jour. Le 3 septembre dernier il s’évada avec 15 de ses camarades de nationalités différentes. Le groupe arriva en Hollande, passa en Angleterre et revint en France par Boulogne-sur-Mer. Ernest Pradelles a rejoint sa famille, à Saint-Aignan (Tarn-et-Garonne).

Conseils de guerre
Le conseil de guerre permanent juge les agissements de 8 soldats détachés à la Poudrerie située à Toulouse. Sept sont condamnés à de la prison ferme car ils ont déserté, le dernier est condamné à 6 mois de prison avec sursis, sanction jugée peu sévère car il fumait dans la Poudrerie alors que, bien évidemment, c’est interdit.

Municipalités
Pour endiguer la hausse des prix, Auch refuse l’augmentation de 9 cts par m3 du prix du gaz à la compagnie locale.

Dans le même temps, alors que d’autres municipalités bloquent le prix du lait à 0,40 F le litre, Toulouse autorise l’augmentation à 0,45 F.

Les choix effectués par les mairies sont contraints par la diminution de leurs ressources : Albi se plaint que les produits de l’octroi sont passés de 170 737 F au premier trimestre 1915 à 19 472 F au premier trimestre 1916.

La monnaie de billon fait toujours défaut malgré les efforts des autorités locales : Auch met alors en circulation une "monnaie en aluminium" et Toulouse vote le 23 septembre l’émission de 1 350 000 tickets bleus à 0,03 F et de 950 000 tickets marron à 0,10 F pour suppléer à l’insuffisance de la petite monnaie.

Par ailleurs, la crise du sucre n’est toujours pas résolue et celle du pain perdure. L’incendie à la fin du mois du grand moulin de Moissac, en activité depuis deux siècles, ne va pas arranger la situation locale car les dégâts sont très importants. Les habitants veulent faire des efforts mais sont mécontents de certaines injustices : les Auscitains se plaignent de devoir manger du pain noir alors qu’alentour, est vendu du pain blanc.

Dans ces conditions difficiles, les municipalités assurent malgré tout leur rôle administratif : à Narbonne, le maire rappelle l’interdiction du grappillage car les vendanges sont en cours. Une douzaine de personnes a déjà été verbalisée.

À Rodez, le maire impose aux aubergistes, hôteliers, loueurs de maisons garnies ou logeurs de tenir un registre où ils doivent inscrire les nom, qualités, domicile habituel, dates d’entrée et de sortie des personnes qu’ils hébergent avec les pièces d’identité et le numéro de la voiture pour ceux qui voyagent en voiture.

Prostitution
Les habitants des grandes villes dénoncent les 'scènes scandaleuses [qui] se [déroulent] jour et nuit autour des gares' et surtout l’inertie des autorités contrairement à Paris où une brigade spéciale destinée à réprimer la prostitution est créée par le préfet de police. De tous temps, l’armée est confrontée à ce problème et surtout aux maladies qui font des ravages parmi la troupe. Les autorités militaires obtiennent au XIXe siècle la légalisation des prostituées. Mais l’arrivée et le départ des troupes dans les villes coïncident généralement avec l’ouverture ou la fermeture de maisons closes. Celle découverte à Grenade-sur-Garonne en 2017, datée de 1915 et probablement clandestine, témoigne de cet état à travers les graffitis recensés.

> Cf. " Une maison close à Grenade (Haute-Garonne) en 1915", dans "Patrimoines du sud" n°6.

Grenade (Haute-Garonne), mur est ; couple de danseurs.
Grenade (Haute-Garonne), maison close, couple de danseurs, © Inventaire général, Région Occitanie

Bonnes œuvres
"L’œuvre des mutilés de la guerre" de la 16e région militaire, vient de fonder à Montpellier une école de rééducation professionnelle gratuite comprenant tous les métiers adaptés à des mutilés et à des aveugles. Pour ces derniers, l’école toulousaine fournit également, gratuitement, un enseignement destiné à favoriser leur réinsertion.

En parallèle, l’administration réserve certains concours, comme celui destiné au recrutement de surnuméraires, aux seuls militaires handicapés.

L’atelier école d’apprentissage de Toulouse annonçait en août l’ouverture des cours au 1er septembre. Ses dirigeants proposent à la fin du mois les premiers emplois dans les usines locales travaillant pour la défense nationale : manutentionnaires, ouvriers (ajusteurs, perceurs, ébarbeurs…) ouvriers travaillant aux galoches, à l’équipement militaire…

Par ailleurs, L’État, le 24 septembre, publie l’état des dons recueillis lors des journées consacrées aux principales associations : la "Journée du drapeau belge" a enregistré 3 500 562 F, "l’Œuvre du soldat au front" 7 137 561 F, la "Journée française de secours national" 5 773 393 F, la "Journée des orphelins de guerre" 3 517 923 F, la "Journée des éprouvés de la guerre" 3 802 332 F et la "Journée du Poilu" 3 704 185 F. Les résultats de la "Journée serbe" et de la "Journée de Paris" n’ont pas été communiqués.

Réquisitions
Les réquisitions, qui n’avaient jamais cessé depuis le début du conflit, concernent en septembre le vin : le maire de Narbonne informe que l’État prélèvera 6 millions d’hl de vin dans l’ensemble des régions viticoles, Algérie comprise. La quantité prise correspond environ à 20% de la production de chaque propriétaire.

C’est également 500 kg de haricots qui seront pris à Moissac pour les mois de septembre et octobre.

C’est encore la réquisition de foins payés 7,50 F les 100 kg où, à Villefranche-de-Rouergue, celle de la laine dont la quantité n’est pas encore indiquée.

Modèle du bulletin de réquisition de vins de la récolte de 1916.
Modèle du bulletin de réquisition de vins de la récolte de 1916, © Archives départementales du Tarn, Le Mémorial de Gaillac

Transports
En raison des besoins urgents des réseaux de chemins de fer, de nombreux cheminots mais aussi des mécaniciens et des chauffeurs révoqués pour faits de grève en 1910, sont remis à la disposition de leurs réseaux à l’exception des officiers et sous-officiers ainsi que les hommes travaillant à la défense nationale. Mais, conséquence de la pénurie de charbon, la compagnie des chemins de fer du sud-ouest annonce la suppression de trains. Les usagers se plaignent alors des nouveaux horaires des trains qui circulent encore.

Dans notre région, l’accident survenu à Gripp (Hautes-Pyrénées) au 31 août dernier, crée un certain émoi : les freins du tramway électrique qui avait quitté Artigues ne fonctionnaient plus et après avoir dévalé la pente, le tramway a déraillé près de la gare de Gripp et l’ensemble s’est renversé, faisant 6 morts et 40 blessés.

TItre
Octobre 1916
Corps

Le 5 octobre est lancé le deuxième emprunt français, l’emprunt de la défense nationale.

Agriculture
Les autorités ayant constaté qu’un "certain nombre de fermières restent seules sur des exploitations de faible étendue par la suite de la perte ou l’absence d’un mari ou d’un fils", pour éviter l’abandon de ces propriétés, demandent la mise à disposition d’ouvriers agricoles locaux. La main-d’œuvre militaire va participer aux semailles ainsi que les ouvriers agricoles espagnols qui terminent les vendanges.

L’État favorise la culture du blé, essentielle à l’alimentation de l’armée et de la population civile, en versant aux producteurs une prime de 3 F par quintal récolté.

La récolte de pommes de terre s’annonçant abondante, du moins dans l’Aude, le préfet règlemente le prix à 16 F les 100 kg et à 0,20 F le kg. Ce département a probablement lutté efficacement contre les « nuisibles », mesures que prennent alors d’autres départements.

L’Aveyron autorise la capture de lapins et de tout "nuisible" du 1er octobre 1916 au 31 mars 1917 les jeudis et dimanches avec des armes à feu et des chiens. Le Gers organise les battues au renard à Samatan et dans d’autres villes et la destruction de "nuisibles" dont la liste est longue - lapins de garenne, sangliers, loups, renards, blaireaux, ours, loutre, chats sauvages, chat haret, martre, putois, fouine, belette, roselet, civette, genette, écureuil et nombre d’oiseaux -, est règlementée dans le Tarn-et-Garonne où seuls les deux armuriers du département, messieurs Schmitt (Montauban) et Alibeau (Castelsarrasin) sont habilités à vendre la poudre de chasse.

Les essais de motoculture s’intensifient notamment dans la Haute-Garonne, huit syndicats sont munis de tracteurs dont celui de Muret qui possède un "Case", Auterive qui a un "Emerson" ; à Bérat le "Mogui" est utilisé et à Ondes c’est un "Bull".

Armée
L’organisation de l’armée est en évolution constante : mettant en œuvre les méthodes d’hygiène indispensables à la santé des troupes, le service de santé militaire crée dans chaque région deux équipes sanitaires composées chacune de quinze hommes.

Par ailleurs, pour libérer les soldats de missions non-combattantes, le ministère demande d’utiliser, dans une plus grande mesure, le personnel non militaire (personnel féminin, jeunes gens, mutilés, hommes dégagés de toutes obligations militaires) pour des fonctions de secrétaires, plantons, dactylos, comptables, manutentionnaires, cuisiniers, lingères…. Les personnes recrutées seront payées entre 2,25 F et 4 F par jour selon la localité et la profession.

Dans l’aviation, composante de l’armée de terre, les pilotes d’avion sont des héros, des hommes à part dont les exploits sont publiés. Le sous-lieutenant Guynemer est à la tête du classement des aviateurs ayant abattu le plus d’avions allemands avec 19 touchés plus un Drachen, suivi du sous-lieutenant Nungesser avec 14 et de l’adjudant Dorme avec 13. Le lieutenant Paul Laffont, député ariégeois et pilote aviateur, est sérieusement blessé au retour d’une reconnaissance aérienne. Il fera une brillante carrière, devenant sous-secrétaire d’État aux PTT dans les années 1920.

Enfin, pour leur témoigner la reconnaissance de la nation, le ministre de la Guerre décide de supprimer la mention "groupe spécial" aux bataillons spéciaux composés d’hommes ayant un casier judiciaire rempli. Les autorités ont constaté que ces unités sont celles qui rapportent le plus de citations.

Sport
Le dimanche 1er octobre, des soldats du 20e corps d’armée, arrivés à Paris, disputent au Parc des Princes, à 10 h, un match de foot contre une équipe de l’association sportive française composée de plusieurs éléments appartenant à l’armée anglaise. Devant plus de 10 000 personnes, en présence du roi du Monténégro et son état-major, du sous-secrétaire d’État aux munitions, de généraux, de préfets et de nombreux notables, les poilus du 20e corps d’armée perdent par 1 à 0.

Culture
L’évènement culturel d’octobre est la venue à Toulouse du célèbre pianiste français Francis Planté (1839 – 1934) qui y donne deux concerts au profit des œuvres de guerre, de l’œuvre des mutilés, de la Croix-Rouge, des femmes de France, des prisonniers, des orphelins et des victimes de guerre. Il se produit les jeudi 19 et samedi 21 octobre à la chapelle Sainte-Marie, 20 rue Merly, les places étant au prix de 2 à 6 F.

C’est également dans cette ville que, suite aux dangers qui planent sur le Pont-Neuf et l’Hôtel-Dieu menacés de destruction par le conseil général de la Haute-Garonne, la société des Toulousains de Toulouse met en vente un numéro spécial de "L’Auta" qu’elle consacre à la sauvegarde des deux édifices.

Restrictions
Le prix du papier ayant fortement augmenté, la presse française refuse de suivre l’exemple italien - le 2 octobre, le gouvernement italien décrète qu’aucun journal transalpin ne paraîtra le dimanche -. Elle préfère faire appel aux dons de ses lecteurs et abonnés. C’est le moment que choisi un nouvel hebdomadaire Rugby pour paraître : le premier numéro date du 7 octobre 1916.

La crise du sucre s’accentue comme s’en plaignent les habitants. La seule réponse du gouvernement qui vient de recevoir 5 bateaux de 30 000 tonnes de cette denrée, est de doubler le prix, de 5 à 10 F les 100 kg.

Quant aux transports, le manque de wagons a des conséquences désastreuses sur le commerce des vins. Les propriétaires de wagons en profitent pour exiger des prix anormalement élevés pour leur location, 8 à 10 F par hl transporté : au nom des viticulteurs, le député de l’Hérault, Édouard Barthe, demande la réquisition de wagons.

Économie
L’État lance le deuxième emprunt national depuis le début de la Grande Guerre. La souscription débute le 5 octobre, est close le 29 octobre 1916 et la rente de 5% est exempte d’impôts. Le premier emprunt, celui de novembre 1915, a rapporté 11,851 milliards de francs. La souscription à l’emprunt est possible dans les banques, les bureaux de postes, les caisses publiques, les intermédiaires et les notaires.

Deuxième emprunt de la défense nationale. Souscrivez (1916). Abel Faivre 1916.
Deuxième emprunt de la défense nationale. Souscrivez (1916). Abel Faivre 1916, © Gallica.bnf.fr

À Toulouse, les bureaux de postes restent ouverts les dimanches ainsi que ceux de la Société Générale comme à Saint-Gaudens.

À Montauban, c’est la trésorerie générale qui est ouverte et à Castelnaudary comme dans de nombreuses villes, ce sont les bureaux des recettes des finances. Même les notaires mobilisés sont renvoyés dans leurs foyers pour faciliter les souscriptions pour l’emprunt. L’Église catholique s’engage activement dans cette opération : la lettre de l’archevêque de Bourges pour recommander l’emprunt national est, par exemple, lue dans toutes les églises de l’Ariège le dimanche matin.

Premier numéro de l’hebdomadaire sportif “RUGBY”.
Premier numéro de l’hebdomadaire sportif “RUGBY”, © Gallica.bnf.fr

Municipalités
En hommage au général Galliéni, Saint-Béat inaugure une plaque de commémorative fixée contre la façade de sa maison natale gravée des inscriptions suivantes "J’ai reçu le mandat de défendre Paris contre l’envahisseur ; ce mandat je le remplirai jusqu’au bout".

À Toulouse, les plaintes des habitants affluent suite à l’augmentation du prix du litre de lait qui passe de 0,40 à 0,50 F : le préfet saisi, convoque la "commission de taxation avec laquelle [il prendra] les mesures qui [lui] paraitront utiles" : la commission de taxation donne huit jours aux laitiers pour porter le litre de lait à 0,45 F au lieu de 0,50 F.

La municipalité toulousaine, pour combattre la pénurie de petite monnaie, avait diffusé fin septembre les "tickets communaux". Mais les Toulousains s’en plaignent car ces tickets ne résistent pas longtemps aux échanges.

Toulouse encore, pour combattre la vie chère, crée une boucherie municipale qui ouvrira le 28 octobre prochain une loge au marché des Carmes et une autre à la place Victor-Hugo : son gérant, monsieur Buisson, s’engage à vendre au-dessous des prix fixés officiellement.

À Castres, c’est le tabac qui commence à manquer et les nombreux fumeurs sont mécontents de ne pas en trouver dans les bureaux de tabacs de la ville.

En cette fin d’octobre et en préparation du 1er novembre, fête de la Toussaint, de nombreuses personnes demandent des autorisations pour pouvoir se rendre dans la zone avancée des armées, autorisations toutes refusées. Aussi des particuliers achètent-ils des fleurs blanches ou des violettes qu’ils envoient aux aumôniers militaires sur le front : ils ont pour mission de les déposer sur les tombes des soldats morts et inhumés dans la zone des armées.

Bonnes œuvres
Les familles préparent l’hiver des soldats en envoyant des vêtements individuels et des sous-vêtements au front, des tricots, gants, caleçons, chemises, chaussettes, ceintures de laine… mais aussi des peaux de moutons, des bottes en caoutchouc, des sabots et des chaussons, des passe-montagnes… Nos prisonniers en Allemagne ne sont pas oubliés car ils recevront eux-aussi des lainages.

Face au grand nombre d’associations des œuvres de guerre, les autorités souhaitent les contrôler et celles qui font appel à la charité publique doivent faire leur déclaration en préfecture dans le délai d’un mois.

Pour les mutilés, des écoles généralement départementales sont fondées. L’œuvre de rééducation agricole créée à l’hôpital 21 bis, à Ondes (31), est ouverte le 20 octobre aux réformés mutilés. Boursiers du conseil général et de l’État au cours de leur formation, ils suivent un enseignement essentiellement destiné à l’agriculture. Le financement des écoles provient également de recettes de kermesses ou de tombolas comme celle organisée le 12 novembre à l’École de rééducation professionnelle des mutiles de Montpellier. 
 

TItre
Novembre 1916
Corps

Le 21 novembre, le vieil empereur François-Joseph Ier d'Autriche décède et Charles Ier lui succède.

François-Joseph 1er, empereur d’Autriche (1830 - 1916).
François-Joseph 1er, empereur d’Autriche (1830 - 1916), © Gallica.bnf.fr

Le même jour, le Breguet XIV, surnommé plus tard "l’avion de la victoire", effectue son premier vol.
Armée

Les permissions accordées aux militaires de l’armée de terre sont étendues le 1er novembre 1916 par le ministre de la Marine aux marins français. Mais vu les spécificités de la Marine, les permissions ne seront pas réparties en trois fois sept jours mais en une ou deux fois.

Main d’œuvre
L’armée, à la recherche de main d’œuvre, passe des annonces dans la presse : elle propose par exemple aux Aveyronnaises au chômage et qui souhaiteraient travailler à la poudrerie de Saint-Médard à Bordeaux, de s’adresser au sous-lieutenant Cerles à Toulouse : elles percevront 2 F par jour et seront logées et nourries. Pour cela, elles doivent fournir un bulletin de naissance, un extrait du casier judiciaire et un certificat de bonne vie et mœurs.

À Toulouse, le Parc d’artillerie, rue Valade, demande des jeunes gens âgés de 13 à 17 ans en qualité d’apprentis armuriers.

Et enfin, le vapeur "Medjerda" arrive le 9 novembre à Sète, transportant 330 personnes originaires d’Oran qui seront utilisées dans les usines de guerre.

Mémoire
En ce début de mois de novembre et jour de Toussaint, les commémorations patriotiques dédiées aux morts de la Grande Guerre ont lieu devant les monuments de 1870 pour les communes qui en ont un comme Toulouse, Montauban Villefranche-de-Rouergue…

Des projets concernant le souvenir aux soldats morts depuis août 1914 commencent à voir le jour : à Toulouse, la maquette du monument aux morts qui devrait être érigé au cimetière de Terre-Cabade est publiée le 1er novembre dans "L’Express du Midi" qui annonce la pose de la première pierre à 15 h.

Dans la même ville, une commission d’initiative des quartiers Lalande et Ginestous convoque les habitants pour leur présenter un projet de monument dans le cimetière "à la mémoire de ses héros morts pour la patrie".

Maquette du monument aux morts toulousain présentée dans l’Express du Midi du 1er novembre 1916.
Maquette du monument aux morts toulousain présentée dans L’Express du Midi du 1er novembre 1916, © Archives municipales de Toulouse 

À Béziers, la 21e liste des souscripteurs du monument aux morts dans la cathédrale Saint-Nazaire est publiée le 8 novembre et un deuxième projet à la mémoire des Biterrois morts pour la Patrie se dessine pour l’église Saint-Jude.

Enfin, les noms des morts sont recueillis dans les nombreux Livres d’or puis édités.

Approvisionnement et pénuries
Le ministre du Commerce, de l’Industrie, des Postes et des Télégraphes organise l’approvisionnement du sucre, secteur en crise depuis au moins le début de l’année, en décidant le 4 novembre la constitution d’un comité central de répartition du sucre et de comités départementaux. Ces derniers, également chargés d’établir l’inventaire des stocks, sont mis en place au milieu du mois par les préfets. 

Le ministre des Transports gère la pénurie de wagons, réservés à la défense nationale, en demandant aux communes de regrouper les commandes d’engrais pour les agriculteurs, de charbons de forges pour les maréchaux-ferrants et forgerons. Mais comme dans d’autres gares de la région, celle de Lectoure, faute de wagons, est encombrée de céréales qui doivent être livrées et les habitants se plaignent de ne pas recevoir engrais et marchandises diverses.

À cause de la pénurie de wagons, le charbon manque ce qui menace l’activité des industries de la région. Pour résoudre ce problème, le colonel directeur militaire toulousain des services des transports s’engage à libérer des wagons, à subventionner les industriels qui souhaiteraient en fabriquer et envisage la possibilité d’un train-navette entre Toulouse et Castres, ville minière.

Les autres sources d’énergie, l’électricité, le pétrole, l’essence et le gaz, sont réservées en priorité aux usines qui travaillent pour la défense nationale.

Le gouvernement décide des mesures suivantes appliquées à partir du 20 novembre : les magasins seront fermés dans toute la France à partir de 18 h, excepté les magasins d’alimentation, les pharmacies, les salons de coiffure, débits de tabacs et kiosques de journaux.

L’éclairage intérieur des cafés sera réduit de 50 % et les restaurants, cafés, bars seront fermés à 21 h 30, les théâtres, concerts, music-halls et cinémas feront relâche un jour par semaine. 

La municipalité toulousaine engage les industriels et les particuliers à "réaliser un maximum d’économies sur le chauffage et l’éclairage de leurs bureaux respectifs" et de leurs habitats pour favoriser l’alimentation des établissements de la défense nationale. Elle souhaite également réduire significativement l’éclairage public.

La liste des produits qui font défaut s’allonge : le sucre, le charbon, l’électricité, le pétrole… maintenant le cuir, bientôt le sel. Pour le cuir, l’armée a d’importants besoins : souliers, sacs, cartouchières… des militaires, selles, harnais, courroies de toutes sortes… On ne trouve déjà plus de cuir français et celui provenant de l’étranger a augmenté de 50 %, passant de 5,25 F en 1914 à plus de 10 F en 1916 alors qu’il serait de moins bonne qualité.

Dessin paru dans Le Petit Journal du 14 janvier 1916.
Dessin paru dans Le Petit Journal du 14 janvier 1916, © Gallica.bnf.fr 

Aussi, les gens s’agacent-ils de voir certains clients aisés acheter des produits - par exemple le lait - à un prix supérieur au prix réglementé ce qui est en plus interdit.

À Saint-Girons, les habitants se plaignent que le charbon est réservé aux seuls industriels et à Gaillac, la population exprime son mécontentement le jour où elle apprend la hausse importante du prix du gaz de 30 à 35 cts le m3 alors qu’il devrait être à 25 cts.

Les propriétaires de journaux semblent avoir résolu la crise du papier qui a touché de plein fouet la presse : la souscription lancée auprès de ses lecteurs a rapporté 86 000 F à "L’Express du Midi", comptes arrêtés au 13 novembre. 

Vie chère
À cause de la vie chère, les personnels parisiens de tramways se mettent en grève le 1er novembre. Ils obtiennent rapidement auprès du gouvernement une indemnité de vie chère de 0,75 F par jour que leurs employeurs, les compagnies de tramways de Paris et du département de la Seine, s’engagent à payer.

En revanche, les tisserands de Lavelanet qui se sont mis en grève pour obtenir une augmentation de 3 cts n’auront pas le même résultat.

Parce que les produits ont augmenté, le comité des fourneaux économiques de Montauban, qui ouvre ses œuvres le 9 novembre aux plus démunis, annonce qu’il laisse la soupe à 10 cts mais qu’il est obligé de porter la ration à 15 cts. C’est aussi le syndicat de l’arsenal qui intervient à Tarbes pour les plus démunis : il crée un restaurant coopératif où pourront être servis jusqu’à 3 000 repas à un tarif raisonnable.

Bonnes œuvres
Les œuvres de charité sont toujours actives : elles organisent les nombreuses journées comme la "Journée de l’orphelin" des 1er et 2 novembre : des insignes sont vendus à leur profit à Auch.

À Tarbes des concerts comme le grand concert de charité sont organisés et à Foix ce sont des soirées.

D’autres associations œuvrent pour les soldats - à Rodez les membres de l’une d’elles leur confectionnent des tricots - ou pour les blessés - à Gaillac ce sont des coussins qui leur sont destinés, plus de 7 000 ayant été faits en 1915.

À Toulouse, le comité d’assistance aux travailleurs indochinois lance une souscription pour leur porter assistance et pour ouvrir un foyer.

Enfin, les centres de mutilés spécialisés dans la formation des soldats handicapés ou dans leur rééducation travaillent ensemble : les mutilés aveyronnais de la face ou des yeux sont envoyés à Montpellier qui, après leur avoir apporté les soins nécessaires, les renverra dans l’Aveyron dans les écoles de formation en agriculture, à Rodez et à Montagnac.

Impôts
Les rôles de l’impôt sur le revenu, nouvel impôt créé, sont publiés au cours du mois et le paiement de cet impôt prélevé pour la première fois en France s’effectuera cette année en une seule fois, à la fin de l’année.

Malgré l’emprunt libérateur lancé en octobre dernier, qui a rapporté 11 milliards 360 millions de francs, au vu de l’important coût financier de la guerre, les autorités étudient l’augmentation ou la création de nombreux impôts et taxes. Tous les domaines seraient touchés et les discussions au Parlement vont bon train ainsi que dans les rues. 

TItre
Décembre 1916
Corps

En décembre, Aristide Briand (président du Conseil) remanie son gouvernement qui passe de 23 à 10 membres, les socialistes en étant écartés.

Le 13 décembre 1916, le général Hubert Lyautey devient ministre de la Guerre et le 26 suivant, le général Joseph-Jacques-Césaire Joffre originaire de la région (il est né à Rivesaltes) est élevé à la dignité de maréchal de France par Raymond Poincaré, président de la République française.

Statue du maréchal Joffre au monument aux trois maréchaux, Saint-Gaudens (31), © Région Occitanie 

Agriculture
Partout en France, les résultats de l’agriculture sont décevants : il manque 18 millions de quintaux de blé en 1916 par rapport à 1914. Comme dans de nombreux autres départements, le froment et le seigle dans le Gers sont en diminution, l’orge et l’avoine à peu près identiques à l’année 1915. Aussi, de nouvelles semences sont-elles proposées aux agriculteurs. Le directeur des services agricoles de l’Ariège, comme celui du Tarn-et-Garonne, bat les campagnes et fait la promotion du blé de Manitoba, du nom de la province canadienne, blé "qui a donné satisfaction l’an dernier dans plusieurs départements de France".

Des techniques nouvelles sont expérimentées et des essais, qui ont lieu au quartier de Mélou, à Castres le 4 décembre, concernent divers instruments comme les pulvérisateurs. Les comptes rendus d’expériences sont publiés à l’attention du plus grand nombre : le tracteur Emerson propriété du syndicat cantonal agricole d’Auterive (31), "habilement manœuvré par un mutilé de guerre" a retourné 1,5 ha en un jour. Mais "au point de vue de l’ouvrage, cela ne vaut absolument pas le travail d’une bonne paire de bœuf dirigée par un laboureur expérimenté" selon les avis recueillis. Néanmoins, l’initiative est un succès.

En revanche, les sabots étant indispensables aux agriculteurs et leur prix ayant fortement augmenté – de 1,50 F la paire en 1914 à 8 F en 1916 – les demandes affluent pour que les sabotiers obtiennent des sursis.

Armée
Au début du mois, les autorités informent que les conseils de révision de la classe 1918 débuteront le 28 décembre. À Villefranche-de-Rouergue, la municipalité demande aux jeunes gens de la commune nés en 1898 de se faire inscrire sur le tableau de la classe 1918.

Le 11 décembre 1916 est créé l’insigne des blessés militaires, des militaires retraités ou mis hors cadres ou réformés pour maladies contractées ou aggravées au service. Suite aux nombreux cas de pieds gelés des soldats au front, le ministère de la Guerre décrète que la gelure des pieds est considérée comme une blessure de guerre.

Les autorités donnent le menu de réveillon de nos poilus : 100 gr de jambon cru, 2 biscuits secs, 125 cl de vin en plus de celui quotidien, une bouteille de Champagne pour quatre, un cigare et deux oranges par homme.

Restrictions
Suite aux mesures prises pour économiser l’énergie, le 26 décembre, les autorités la rationne pour les particuliers qui consomment plus de 1 m3 de gaz ou de 3 hectowatts d’électricité par jour. Elles décident également de restreindre l’éclairage public à partir de 17 h 30, d’imposer des restrictions aux cafés, bistrots, restaurants et de fermer les établissements de spectacles à 23 h 30 les obligeant à deux jours de relâche par semaine. Du fait des restrictions et des fermetures, une grève des Théâtres de Paris se profile pour le 9 janvier 1917.

Le manque de wagons est toujours un problème même si 20 000 vont être mis à notre disposition par l’Angleterre ainsi que les bateaux qui transportent le charbon qu’elle nous vend. Pour assurer le ravitaillement de la population en sucre, sel, pétrole, charbon… mais aussi sulfate de cuivre, soufre et autres produits nécessaires à l’agriculture, le département du Tarn-et-Garonne loue 10 wagons.

En revanche, démunie, la direction de l’usine de gaz de Carcassonne, informe la population qu’elle cessera, faute de charbon, la distribution de gaz à partir du 15 décembre.

Impôts
La guerre dure depuis 29 mois et son coût est élevé : les dépenses mensuelles de l’État étaient pour chacun des cinq derniers mois de 1914 de 1 340 millions de francs, pour 1915 elles sont passées à 1 900 millions par mois, pour 1916 à 2 695 millions et pour 1917, les prévisions sont de 2 846 millions de francs par mois. Aussi, les augmentations de taxes et impôts et les créations de taxes nouvelles se précisent-elles : leur application est annoncée pour le 1er janvier prochain.

Mémoire
Villemade (Tarn-et-Garonne) érige deux tableaux dans la mairie, dédiés aux morts de la guerre : sur le premier sont inscrits quatre noms, ceux des morts pour la patrie et sur le second cinq noms, ceux des morts honorés d’une citation pour faits de guerre.

À Sabeilhan, dans le Gers, le maire a reçu le diplôme des morts sur avis officiel du soldat Henri Arseguet tué au champ d’honneur. Ayant la lourde tâche de le remettre aux parents de ce soldat, il apprend avant sa visite qu’Henri Arseguet est en vie, prisonnier en Allemagne et va donc porter la bonne nouvelle.

Main-d’œuvre
Les besoins dans les dépôts de l’armée sont importants en travaux d’écriture, manutention, couture, lavage… Les autorités recherchent des femmes recrutées de préférence parmi les victimes de la guerre qu’elles emploieraient après une période de stage. Les taux de salaires sont en cinq classes et une indemnité est versée si l’emploi est dans une autre localité que celle de la résidence principale.

L’armée informe de possibles augmentations de salaires et d’avantages comme des congés annuels, la paye tous les 8 jours, le repas facultatif à l’ordinaire du corps dans une salle spéciale contre 1,5 F, de soins médicaux et d’allocations pour maladies.

Municipalités
Les vacances de Noël sont annoncées du samedi 23 décembre après la classe du soir au mardi 2 janvier au matin, ce qui réjouit les élèves.

En revanche, le comportement des laitiers fait de nombreux mécontents qui dénoncent aux autorités les nombreux cas de refus de livrer le litre de lait à 0,45 F, ou les livraisons par demi-litre à 0,25 F ou encore un coût de 0,45 F le litre sans donner la quantité voulue. En réponse aux difficultés d’approvisionnement du lait, la municipalité toulousaine décide d’en apporter chaque jour 300 litres. Collectés dans la région de Saint-Gaudens, ils seront distribués par les débitants au prix de 0,45 F le litre.

L’approvisionnement du bois faisant également défaut, de nombreuses collectivités prennent en charge les livraisons : le comité d’approvisionnement local de Montauban prévient les habitants de la ville qu’ils pourront recevoir prochainement des quantités limitées de bois.

À Sète, le port prend beaucoup d’importance car les expéditions de matériel à la nouvelle armée d’Orient se développent considérablement. Le port doit, de plus, assurer une mission de surveillance des côtes. Aussi un commandement de la marine est-il créé dans cette ville.

Enfin, le 10 décembre, la foudre tombe sur l’usine de pétrole de Balaruc-les-Bains (34). Bien heureusement, les grands réservoirs, les magasins et les bâtiments d’exploitation n’ont pas été touchés et les dégâts sont de faible importance.

Les grands hommes
À 81 ans et toujours en activité, le professeur Félix Garrigou, originaire de l’Ariège, reçoit le prix Wilde de l’Académie des Sciences pour ses travaux sur l’hydrologie.

Le 13 décembre 1916, décède à Paris Antonin Mercié. Né à Toulouse le 29 octobre 1845, prix de Rome en sculpture en 1868, membre de l’Académie des beaux-arts en 1881, ayant reçu de nombreuses autres distinctions, il est un grand sculpteur et peintre français.

Portrait d'Antonin Mercié (vers 1900), dessin par Ramon Casas, musée national d'art de Catalogne (MNAC), Barcelone.
Portrait d'Antonin Mercié (vers 1900), dessin par Ramon Casas, musée national d'art de Catalogne (MNAC), Barcelone, © Wikipedia.org 

Assistance et bonnes œuvres
Afin de "prévenir les abus", Toulouse créé au début du mois une carte destinée aux réfugiés. La situation de l’intéressé, ses ressources et le montant des secours dont il a bénéficié seront indiqués.

Mais la priorité d’autres municipalités est, comme Mazamet, d’organiser l’envoi de vêtements aux prisonniers de guerre ou, comme L’Isle-Jourdain, en liaison avec le comité local "du tricot" qui confectionne des chandails, caleçons, chaussettes, passe-montagnes, gants… de pourvoir les soldats de la région au front.

Les familles ont également, comme l’an dernier à pareille époque, la possibilité d’envoyer gratuitement par la poste un colis de 1 kg aux militaires et marins. Cette mesure gouvernementale décidée du 15 au 26 décembre suivra l’ordre alphabétique : les colis dont les noms des soldats débutent par A et par B seront les premiers envoyés sur les deux premiers jours.

En décembre, les œuvres n’oublient pas localement de fêter Noël : l’association de l’Aiguille de la réfugiée organise "le soulier de Noël" pour donner une paire de souliers et un sac de bonbons à chaque enfant réfugié.

Les "arbres de Noël" sont réalisés dans de nombreux endroits pour les plus démunis, notamment pour les orphelins de la guerre.